Cette fiche analyse la culture de la betterave sucrière selon une approche territoriale et une approche technico-économique. La première décrit la répartition des superficies de cette culture en région wallonne selon les super-régions agricoles et selon l'orientation technico-économique [OTE]. La seconde analyse les facteurs influençant la marge brute de cette culture, et ce, pour l’ensemble des producteurs, en agriculture conventionnelle, du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA] ayant au moins 1 ha de culture de betteraves sucrières. Elle présente ces éléments constituant la marge brute : les produits et les charges opérationnelles affectées à cette culture, sur l’ensemble du territoire, au sein des super-régions agricoles et de la zone orientée « grandes cultures ».
La betterave sucrière, malgré un net recul au cours des 30 dernières années, est cultivée dans 28 % des exploitations wallonnes. Il s'agit principalement d'exploitations spécialisées en grandes cultures. Dans un contexte de marché du sucre très concurrentiel, le prix obtenu pour les betteraves sucrières avait baissé régulièrement de 2012 jusqu’à la fin des quotas en 2017 pour se stabiliser à un niveau relativement bas, de l’ordre de 27 à 28 €/t. Les année 2022 et 2023 montrent une évolution toute différente avec un prix qui retrouve son niveau de 2012. Dans ce contexte et aidé par un bon rendement, la marge brute provisoire de la betterave, en 2023, dépasse les 2 600 €/ha.
Avec environ 37 400 ha, la culture de betteraves sucrières est sur la troisième marche du podium des grandes cultures derrière celle du froment et des pommes de terre
En 2023, la superficie emblavée en betteraves sucrières atteint 37 417 ha. Cette culture se retrouve dans l’assolement de 28 % des exploitations wallonnes et y occupe en moyenne 10,7 ha. Depuis 1990, les superficies semées en betteraves sucrières ont diminué de pratiquement 50 %.
- La culture de betteraves sucrières se trouve majoritairement en zone « grandes cultures »
Pour analyser l’influence des régions agricoles sur les cultures commerçables, on distingue trois « super- régions » que l’on suppose suffisamment homogènes sur le plan des techniques culturales et des résultats. Premièrement, la zone « grandes cultures » regroupant les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que la Campine hennuyère. C’est dans ces régions que les cultures commerçables sont les plus fréquentes et que l’on retrouve le plus d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Deuxièmement, la zone « herbagère » composée des régions agricoles : région herbagère, Fagnes, Famenne, région jurassique, Ardenne et Haute Ardenne. Ces régions sont plus spécialisées en élevage, surtout bovin, et le pourcentage de prairies y est important. Finalement, la zone « Condroz » qui est une région agricole intermédiaire. Cette subdivision de la Wallonie est réalisée pour obtenir un effectif suffisant pour comparer les zones entre elles et pour réaliser des analyses de classe de performance au sein d’une zone donnée (essentiellement la zone « grandes cultures »).
82 % des producteurs de betteraves sucrières sont regroupés au sein de la zone « grandes cultures » et cultivent 80 % de la superficie agricole utilisée [SAU] consacrée à cette culture. Ils y affectent, en moyenne, 10,3 ha de leur SAU. Parmi les producteurs de la zone « grandes cultures », un peu plus de la moitié emblave une partie de leur terre avec de la betterave sucrière.
On retrouve plus de 18 % de la superficie emblavée en betteraves sucrières dans le Condroz. Les « betteraviers » de cette région y consacrent, en moyenne, 12,6 ha de leur SAU.
La culture de betteraves sucrières est anecdotique en zone « herbagère ».
Nombre d'exploitations professionnelles produisant de la betterave sucrière et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2023
Nombre d'exploitations professionnelles produisant de la betterave sucrière et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2023
- Les exploitations spécialisées en grandes cultures gèrent presque deux tiers de la superficie en betteraves sucrières
L’analyse des facteurs sur base des orientations technico-économiques [OTE] n’est effectuée que pour les exploitations dites professionnelles, c'est-à-dire dont la production brute standard totale est supérieure à 25 000 €. Ces dernières couvrent 98 % de la superficie agricole utile [SAU] wallonne.
La culture de betteraves sucrières est presque exclusivement gérée par des exploitations professionnelles qui totalisent 37 216 ha répartis entre 3 429 exploitations. Les exploitations professionnelles spécialisées en grandes cultures et celles combinant cultures et bovins totalisent, ensemble, 87 % de la SAU emblavée en betteraves sucrières. Ces exploitants représentent 80 % des producteurs. A contrario, les exploitations spécialisées en élevage de bovins (laitiers ou viandeux ou combinant les deux) ne représentent que 15 % des cultivateurs pour à peine 8,5 % de la SAU emblavée par cette culture, avec environ 6 ha par exploitation.
En 2023, le rendement des betteraves sucrières est relativement bon et le prix provisoire est intéressant
En 2023, le rendement de la culture de betteraves sucrières s’établit à 90 t/ha. C’est un bon rendement, équivalent à celui de 2022, et est à un niveau supérieur à la moyenne des dix années antérieures (84 t/ha), même si la richesse en 2023 est relativement faible de l’ordre de 16%. Depuis 2010, malgré des variations annuelles, ce rendement tend à progresser, d’en moyenne 1,1 t/ha par année, avec des variations exceptionnelles telles qu’observées en 2016 ou 2017. Cette évolution est notamment le fruit de la sélection variétale et de la maîtrise technique des cultivateurs.
Particularité de la culture de la betterave sucrière au niveau de l'analyse économique
Signalons que pour les années antérieures à 2023, le prix de vente déterminé prend en compte les corrections éventuelles, positives ou négatives, provenant des données des comptabilités de l'année suivante. Ces corrections sont consécutives à la période de clôture des comptabilités. En effet, à cette période, toutes les informations concernant la valorisation des betteraves sucrières de l'exercice ne sont pas encore transmises par la sucrerie. Nous enregistrons alors une correction lors de l'exercice suivant en fonction du décompte final reçu par le producteur. Ainsi, par exemple en 2013, une correction de près de 500 €/ha a été appliquée aux valeurs calculées pour la récolte 2012.
Le prix final de 2023 pour la betterave sucrière sera connu lorsque les clôtures des comptabilités 2024 seront réalisées. Pour cette raison, les graphiques des prix, des produits, de certaines charges et de marge brute sont mis en trait discontinu pour l'année 2022 et sont donc des valeurs provisoires, apportées à titre d'information. C'est pour cette raison que les différents indicateurs de rentabilité pour la culture de betteraves sucrières sont analysés pour l'année 2022.
A l’inverse du rendement, le prix de vente de la betterave sucrière, fortement lié à celui du sucre sur le marché mondial, descend régulièrement depuis 2012 pour atteindre en 2021, un prix définitif de 29,4 €/t. Ce prix dépassait 40 €/t entre 2011 et 2013. En revanche, pour l’année 2022, on observe une valeur de 50,3 €/t. Pour 2023, la valeur provisoire est de 42,8 €/t.
- Le différentiel entre le Condroz et la zone « grandes cultures » se marque au niveau des rendements et au niveau du prix
En 2022, la différence observée au niveau des rendements entre ces deux super-régions est de 12,8 t/ha. En outre, la richesse des betteraves sucrières de la zone « grandes cultures » étant légèrement supérieure, elle permet aux producteurs d’obtenir un prix de vente un peu plus élevé, de l’ordre de 2 €/t.
En 2023, la différence entre les super-régions semble moins marquée et d’à peine 7 t/ha. En effet, en 2023, le rendement moyen de la culture de betteraves sucrières pour les producteurs dans le Condroz est de l’ordre de 84,5 t/ha alors qu’il grimpe à 91,5 t/ha pour la zone « grandes cultures ».
Etant donné la quasi-absence de culture de betteraves sucrières dans la zone « herbagère », il est impossible d’y calculer une moyenne représentative.
En 2022, si l’on compare les cultivateurs de la zone « grandes cultures » au niveau de leur performance dans l’obtention d’une marge brute élevée, on observe que les producteurs les plus performants, c’est-à-dire les agriculteurs constituant le quartile supérieur, atteignent des rendements de près de 101,7 t/ha, valorisés à un prix de 49,2 €/t. A l’opposé, les moins performants plafonnent avec un rendement de moins de 78 t/ha qu’ils valorisent à 51,4 €/t.
Pour 2023, la différence de rendement entre les groupes de performances est encore plus marquée et dépasse les 25,8 t/ha. Les plus performantes dépassent les 102 t/ha de rendement.
Rendement de la culture de betteraves sucrières et prix de vente de sa racine de la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Rendement de la culture de betteraves sucrières et prix de vente de sa racine de la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
En 2022, le produit des betteraves sucrières fait un bond de 2 000 €/ha par rapport à 2021
En 2022, le produit de la culture de betteraves sucrières s’établit à 4 505 €/ha. La moyenne de 2012 à 2021 est de 2 733 €/ha, alors qu’au départ, en 2011 et 2012, les produits présentaient des valeurs supérieures à 3 700 €/ha. Si les rendements progressent lentement au fil des années, ils ne compensent pas la chute de prix observée de 2014 à 2021.
En 2023, le produit provisoire de la culture de betteraves sucrières s’établit à 3 864 €/ha. Ceci résulte du bon rendement et d’un prix qui reste à un niveau élevé.
- L’écart de produits entre les producteurs de la zone « grandes cultures » et du Condroz atteint 1 000 €/ha tout comme l’écart entre les groupes de performances au sein de la zone « grandes cultures »
La comparaison entre les producteurs situés dans la zone « grandes cultures » et ceux du Condroz révèle un différentiel de 1 083 €/ha de produit pour la culture de betteraves sucrières en 2022. Le produit total de cette culture atteint 3 625 €/ha dans le Condroz et 4 708 €/ha dans la zone « grandes cultures ». Les données provisoires de 2023 montrent un différentiel nettement moins marqué entre ces deux zones de l’ordre de 250 €/ha.
Si l’on compare les performances des « betteraviers » au sein de la zone « grandes cultures », on relève un différentiel de produit de 992 €/ha entre les groupes extrêmes. Ainsi, les producteurs les moins performants, avec un rendement plus faible, obtiennent un produit de 4 012 €/ha alors que les plus performants obtiennent un produit de 5 004 €/ha. Les résultats provisoires de 2023 montrent des écarts de l’ordre de 1 200 €/ha entre ces groupes de performances.
Le total des charges opérationnelles affectées subit une hausse en 2022 suite, notamment, à l’augmentation du prix des engrais
En 2022, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, pour la culture de betteraves sucrières s’élèvent à 1 110 €/ha, valeur nettement supérieure à la moyenne de 2012 à 2021 de 886 €/ha. En 2023, les charges opérationnelles provisoires, bien que les corrections du décompte final seront limitées pour ce poste, s’élèvent à 1 236 €/ha. Ces charges opérationnelles affectées ont augmenté de 2010 à 2013, pour ensuite, se stabiliser entre 850 à un peu plus de 900 €/ha jusqu’en 2021. En 2022, la charge en engrais devient la plus importante et représente environ 40 %, suivi de l’achat des pesticides avec 34 % et enfin des semences avec 25 %.
La valeur de ces diverses charges a évolué différemment dans le temps, et a donc influencé leur importance relative. Ainsi en 2010, les charges en semence et engrais étaient pratiquement équivalentes et nettement supérieures aux achats de pesticides qui ne représentaient alors que 28 % des charges opérationnelles affectées (hors travaux par tiers). Le coût des semences a augmenté de façon lente et continue lors de la dernière décennie, alors que celui des pesticides a connu deux fortes augmentations, au début de la décennie et en 2020 après une période de stabilisation. Les engrais ont aussi enregistré une forte hausse au début des années 2010 avec un pic en 2013, avant de redescendre jusqu'en 2021 pour terminer avec une très forte hausse en 2022. La culture de betteraves étant une tête de rotation, est relativement exigeante en fertilisation, notamment potassique. L’achat d’engrais est de 244 €/ha en 2021, mais monte à 443 €/ha en 2022 et 459 €/ha en 2023. La fertilisation azotée pour les betteraves est de l’ordre de 130 à 135 unités/ha au cours des dix dernières années. Les apports de phosphore sont de l’ordre de 35 unités/ha et ceux de potassium atteignent 135 unités/ha. En 2022, étant donné le coût des engrais, les exploitants ont bien souvent réduit le niveau de fertilisation mais retrouve un niveau normal de 130 unités d’azote par ha et 118 unités de potassium.
A titre informatif, le montant dépensé pour les travaux par tiers était de 417 €/ha, valeur un peu supérieure à la moyenne de 2012 à 2021 qui est de 366 €/ha. En 2023, cette charge de travaux par tiers poursuit son augmentation et atteint provisoirement 441 €/ha.
Evolution des charges opérationnelles affectées à la culture de betteraves sucrières
Les autres charges et travaux par tiers sont des valeurs provisoires pour 2023
Les autres charges et travaux par tiers sont des valeurs provisoires pour 2023
- Les écarts de charges opérationnelles affectées restent limitées entre les cultivateurs des diverses zones ou des groupes de performance
En 2022, le montant des charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières des producteurs condruziens et celui des producteurs de la zone « grandes cultures » ne présentent pas de différence significative. Les données provisoires de 2023 montrent une différence un peu plus marquée mais qui n’est que de 150 €/ha et donc bien inférieure à la différence de produits.
La comparaison des groupes de performance, au sein même de la zone « grandes cultures », ne montrent pas non plus de grandes différences entre eux. L’observation est la même avec les données provisoires de 2023. La différence entre les groupes s’opère donc essentiellement par un niveau de produit très différent plutôt que par une économie significative sur les intrants.
Charges opérationnelles affectées à la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Charges opérationnelles affectées à la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2023 (provisoire)
Charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2023 (provisoire)
Autres charges et travaux par tiers : valeurs provisoires en 2023
Autres charges et travaux par tiers : valeurs provisoires en 2023
La marge brute pour la culture de betteraves sucrières en 2022 double par rapport à 2021
En 2022, la marge brute de la culture de betteraves sucrières atteint 3 395 €/ha, les travaux par tiers n’étant pas compris dans les charges opérationnelles affectées. C’est un résultat double par rapport à 2021 et nettement supérieur à la moyenne des dix années précédentes qui atteint les 1 847 €/ha. En 2023, la marge brute provisoire reste bonne et atteint 2 629 €/ha.
Si l’on considère la marge brute, en tenant compte des travaux par tiers, sa valeur s’établit à 2 978 €/ha, en 2022. Si depuis 2018, cette marge brute était inférieure à celle de la culture de froment d’hiver, de chicorées, de pommes de terre et parfois même de l’épeautre, en 2022, la betterave sucrière présente à nouveau une marge supérieure à ces cultures, à l’exception de la pomme de terre.
- Au sein de la zone « grandes cultures », les producteurs les plus performants dégagent 1 060 €/ha de marge brute supplémentaire à celle obtenue par les moins performants
En 2022, la marge brute de la culture de betteraves sucrières au sein de la zone « grandes cultures » atteint 3 587 €/ha, soit pratiquement 1 000 €/ha en plus que dans le Condroz. Les charges étant similaires dans les deux zones, c’est essentiellement la différence de rendement qui explique cet écart.
Au sein de la zone « grandes cultures », les producteurs les plus performants dégagent une marge brute de 3 900 €/ha, alors que les moins performants arrivent à 2 839 €/ha. Si on intègre les travaux par tiers, ces valeurs tombent respectivement à 3 486 €/ha et 2 403 €/ha.