Cette fiche analyse la culture de la betterave sucrière selon une approche territoriale et une approche technico-économique. La première décrit la répartition des superficies de cette culture en région wallonne selon les super-régions agricoles et selon l'orientation technico-économique [OTE]. La seconde analyse les facteurs influençant la marge brute de cette culture, et ce, pour l’ensemble des producteurs, en agriculture conventionnelle, du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA] ayant au moins 1 ha de culture de betteraves sucrières. Elle présente ces éléments constituant la marge brute : les produits et les charges opérationnelles affectées à cette culture, sur l’ensemble du territoire, au sein des super-régions agricoles et de la zone orientée « grandes cultures ».
La betterave sucrière, malgré un net recul au cours des 30 dernières années, est cultivée dans 28 % des exploitations wallonnes. Il s'agit principalement d'exploitations spécialisées en grandes cultures. Dans un contexte de marché du sucre très concurrentiel, le prix obtenu pour les betteraves sucrières avait baissé régulièrement de 2012 jusqu’à la fin des quotas en 2017 pour se stabiliser à un niveau relativement bas, de l’ordre de 27 à 28 €/t. L’année 2022 montre une évolution toute différente avec un prix qui retrouve son niveau de 2012. Dans ce contexte et aidé par un bon rendement, la marge brute provisoire de la betterave, en 2022, dépasse les 3 100 €/ha soit près du double du résultat de 1 624 €/ha en 2021.
Avec environ 35 395 ha, la culture de betteraves sucrières est sur la troisième marche du podium des grandes cultures derrière celle du froment et des pommes de terre
En 2022, la superficie emblavée en betteraves sucrières atteint 35 395 ha. Cette culture se retrouve dans l’assolement d’un peu moins de 28 % des exploitations wallonnes et y occupe en moyenne 10 ha. Depuis 1990, les superficies semées en betteraves sucrières ont diminué de pratiquement 50 %.
- La culture de betteraves sucrières se trouve majoritairement en zone « grandes cultures »
Pour analyser l’influence des régions agricoles sur les cultures commerçables, on distingue trois « super- régions » que l’on suppose suffisamment homogènes sur le plan des techniques culturales et des résultats. Premièrement, la zone « grandes cultures » regroupant les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que la Campine hennuyère. C’est dans ces régions que les cultures commerçables sont les plus fréquentes et que l’on retrouve le plus d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Deuxièmement, la zone « herbagère » composée des régions agricoles : région herbagère, Fagnes, Famenne, région jurassique, Ardenne et Haute Ardenne. Ces régions sont plus spécialisées en élevage, surtout bovin, et le pourcentage de prairies y est important. Finalement, la zone « Condroz » qui est une région agricole intermédiaire. Cette subdivision de la Wallonie est réalisée pour obtenir un effectif suffisant pour comparer les zones entre elles et pour réaliser des analyses de classe de performance au sein d’une zone donnée (essentiellement la zone « grandes cultures »).
82 % des producteurs de betteraves sucrières sont regroupés au sein de la zone « grandes cultures » et cultivent presque 80 % de la superficie agricole utilisée [SAU] consacrée à cette culture. Ils y affectent, en moyenne, 9,7 ha de leur SAU. Parmi les producteurs de la zone « grandes cultures », seulement la moitié emblave une partie de leur terre avec de la betterave sucrière.
On retrouve plus de 18 % de la superficie emblavée en betteraves sucrières dans le Condroz. Les « betteraviers » de cette région y consacrent, en moyenne, 11,7 ha de leur SAU.
La culture de betteraves sucrières est anecdotique en zone « herbagère ».
Nombre d'exploitations professionnelles produisant de la betterave sucrière et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2022
Nombre d'exploitations professionnelles produisant de la betterave sucrière et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2022
- Les exploitations spécialisées en grandes cultures gèrent presque deux tiers de la superficie en betteraves sucrières
L’analyse des facteurs sur base des orientations technico-économiques [OTE] n’est effectuée que pour les exploitations dites professionnelles, c'est-à-dire dont la production brute standard totale est supérieure à 25 000 euros. Ces dernières couvrent 97 % de la superficie agricole utile [SAU] wallonne.
La culture de betteraves sucrières est presque exclusivement gérée par des exploitations professionnelles qui totalisent 35 149 ha répartis entre 3 443 exploitations. Les exploitations professionnelles spécialisées en grandes cultures et celles combinant cultures et bovins totalisent, ensemble, plus de 85 % de la SAU emblavée en betteraves sucrières. Ces exploitants représentent presque 79 % des producteurs. A contrario, les exploitations spécialisées en élevage de bovins (laitiers ou viandeux ou combinant les deux) ne représentent que 16 % des cultivateurs pour moins de 10 % de la SAU emblavée par cette culture, avec environ 6 ha par exploitation.
En 2022, le rendement des betteraves sucrières est relativement bon mais c’est surtout le prix qui enregistre une hausse marquée
En 2022, le rendement de la culture de betteraves sucrières s’établit à 89,5 t/ha. C’est un bon rendement, compte tenu de la sécheresse de l’été 2022. Ce rendement augmente d’environ 4,5 t/ha par rapport à 2021 et est à un niveau supérieur à la moyenne des dix années antérieures (82,3 t/ha). Depuis 2010, malgré des variations annuelles, ce rendement tend à progresser, d’en moyenne 1,1 t/ha par année, avec des variations exceptionnelles telles qu’observées en 2016 ou 2017. Cette évolution est notamment le fruit de la sélection variétale et de la maîtrise technique des cultivateurs.
Particularité de la culture de la betterave sucrière au niveau de l'analyse économique
Signalons que pour les années antérieures à 2021, le prix de vente déterminé prend en compte les corrections éventuelles, positives ou négatives, provenant des données des comptabilités de l'année suivante. Ces corrections sont consécutives à la période de clôture des comptabilités. En effet, à cette période, toutes les informations concernant la valorisation des betteraves sucrières de l'exercice ne sont pas encore transmises par la sucrerie. Nous enregistrons alors une correction lors de l'exercice suivant en fonction du décompte final reçu par le producteur. Ainsi, par exemple en 2013, une correction de près de 500 €/ha a été appliquée aux valeurs calculées pour la récolte 2012.
Le prix final de 2022 pour la betterave sucrière sera connu lorsque les clôtures des comptabilités 2023 seront réalisées. Pour cette raison, les graphiques des prix, des produits, de certaines charges et de marge brute sont mis en trait discontinu pour l'année 2022 et sont donc des valeurs provisoires, apportées à titre d'information. C'est pour cette raison que les différents indicateurs de rentabilité pour la culture de betteraves sucrières sont analysés pour l'année 2021.
A l’inverse du rendement, le prix de vente de la betterave sucrière, fortement lié à celui du sucre sur le marché mondial, descend régulièrement depuis 2012 pour atteindre en 2021, un prix définitif de 29,4 €/tonne. Ce prix dépassait 40 €/tonne entre 2011 et 2013. En revanche, pour l’année 2022, on observe une valeur provisoire de 47,4 €/tonne.
- Le différentiel entre le Condroz et la zone « grandes cultures » se marque au niveau des rendements et au niveau du prix
En 2021, la différence observée au niveau des rendements entre ces deux super-régions est presque de 10 t/ha. En outre, la richesse des betteraves sucrières de la zone « grandes cultures » étant légèrement supérieure, elle permet aux producteurs d’obtenir un prix de vente un peu plus élevé, de l’ordre de 2 €/t.
En 2022, la différence entre les super-régions semble plus marquée. En effet, en 2022, le rendement moyen de la culture de betteraves sucrières pour les producteurs dans le Condroz est de l’ordre de 79 t/ha alors qu’il grimpe à 92 t/ha pour la zone « grandes cultures ».
Etant donné la quasi-absence de culture de betteraves sucrières dans la zone « herbagère », il est impossible d’y calculer une moyenne représentative.
En 2021, si l’on compare les cultivateurs de la zone « grandes cultures » au niveau de leur performance dans l’obtention d’une marge brute élevée, on observe que les producteurs les plus performants, c’est-à-dire les agriculteurs constituant le quartile supérieur, atteignent des rendements de près de 94 t/ha, valorisés à un prix de 32 €/t. A l’opposé, les moins performants plafonnent avec un rendement de moins de 77 t/ha qu’ils valorisent à seulement 28,4 €/t.
Rendement de la culture de betteraves sucrières et prix de vente de sa racine de la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2021
Rendement de la culture de betteraves sucrières et prix de vente de sa racine de la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2021
De 2012 à 2021, le produit des betteraves sucrières a perdu 37 %
En 2021, le produit de la culture de betteraves sucrières s’établit à 2 508 €/ha. La moyenne de 2011 à 2020 est de 2 852 €/ha, alors qu’au départ, en 2011 et 2012, les produits présentaient des valeurs supérieures à 3 700 €/ha. Si les rendements progressent lentement au fil des années, ils ne compensent pas la chute de prix observée durant cette décennie.
En 2022, le produit provisoire de la culture de betteraves sucrières s’établit à 4 248 €/ha. Ceci résulte du bon rendement mais surtout du prix qui enregistre une forte hausse.
- Les producteurs les moins performants de la zone « grandes cultures » ont un produit total comparable à celui des producteurs condruziens
La comparaison entre les producteurs situés dans la zone « grandes cultures » et ceux du Condroz révèle un différentiel de 455 €/ha de produit pour la culture de betteraves sucrières en 2021. Le produit total de cette culture atteint 2 135 €/ha dans le Condroz et 2 590 €/ha dans la zone « grandes cultures ». Les données provisoires de 2022 montrent un différentiel plus marqué entre ces deux zones de l’ordre de 770 €/ha.
Si l’on compare les performances des « betteraviers » au sein de la zone « grandes cultures », on relève un différentiel de produit de 833 €/ha entre les groupes extrêmes. Ainsi, les producteurs les moins performants, avec un rendement plus faible, se contentent d’un produit de 2 177 €/ha alors que les plus performants obtiennent un produit de 3 010 €/ha. Les producteurs les moins performants de la zone « grandes cultures » obtiennent un produit à peine supérieur à la moyenne des agriculteurs condruziens. Les résultats provisoires de 2022 montrent des écarts de l’ordre de 1 320 €/ha entre ces groupes de performances.
Le total des charges opérationnelles affectées est resté très stable au cours de la décennie
En 2021, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, pour la culture de betteraves sucrières s’élèvent à 885 €/ha, très proches de la moyenne de 2011 à 2020 de 875 €/ha. En 2022, les charges opérationnelles provisoires, bien que les corrections du décompte final seront limitées pour ce poste, s’élèvent à 1 110 €/ha. Ces charges opérationnelles affectées ont augmenté de 2010 à 2013, pour ensuite, se stabiliser entre 850 à un peu plus de 900 €/ha jusqu’en 2021. La charge en pesticides est le poste le plus important en 2021 et représente environ 38 %, suivi de l’achat de semences avec 34 % et enfin d’engrais avec 28 %.
La valeur de ces diverses charges a évolué différemment dans le temps, et a donc influencé leur importance relative. Ainsi en 2010, les charges en semence et engrais étaient pratiquement équivalentes et nettement supérieures aux achats de pesticides qui ne représentaient alors que 28 % des charges opérationnelles affectées (hors travaux par tiers). Le coût des semences a augmenté de façon lente et continue lors de la dernière décennie, alors que celui des pesticides a connu deux fortes augmentations, au début de la décennie et en 2020 après une période de stabilisation. Les engrais ont aussi enregistré une forte hausse au début des années 2010 avec un pic en 2013, avant de redescendre jusqu'en 2021. La culture de betteraves étant une tête de rotation, est relativement exigeante en fertilisation, notamment potassique. L’achat d’engrais est de 244 €/ha en 2021, mais monte à 443 €/ha en 2022. La fertilisation azotée pour les betteraves est de l’ordre de 130 à 135 unités/ha au cours des dix dernières années. Les apports de phosphore sont de l’ordre de 35 unités/ha et ceux de potassium atteignent 135 unités/ha. En 2022, étant donné le coût des engrais, les exploitants ont bien souvent réduit le niveau de fertilisation en se limitant à un peu moins de 120 unités/ha d’azote, 25 unités/ha de phosphore et 105 unités/ha de potassium.
A titre informatif, le montant dépensé pour les travaux par tiers était de 359 €/ha, valeur comparable à la moyenne de 2011 à 2020 qui est de 364 €/ha.
Evolution des charges opérationnelles affectées à la culture de betteraves sucrières
Les autres charges et travaux par tiers sont des valeurs provisoires pour 2022
Les autres charges et travaux par tiers sont des valeurs provisoires pour 2022
- Les écarts de charges opérationnelles affectées restent limitées entre les cultivateurs des diverses zones ou des groupes de performance
En 2021, le montant des charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières des producteurs condruziens et celui des producteurs de la zone « grandes cultures » ne présentent pas de différence significative. Les données provisoires de 2022 semblent conduire à la même conclusion.
La comparaison des groupes de performance, au sein même de la zone « grandes cultures », ne montrent pas non plus de grandes différences entre eux. L’observation est la même avec les données provisoires de 2022. La différence entre les groupes s’opère donc essentiellement par un niveau de produit très différent plutôt que par une économie significative sur les intrants.
Charges opérationnelles affectées à la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2021
Charges opérationnelles affectées à la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2021
Charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022 (provisoire)
Charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022 (provisoire)
Autres charges et travaux par tiers : valeurs provisoires en 2022
Autres charges et travaux par tiers : valeurs provisoires en 2022
La marge brute pour la culture de betteraves sucrières en 2021 reste à un niveau relativement bas
En 2021, la marge brute de la culture de betteraves sucrières atteint 1 624 €/ha, les travaux par tiers n’étant pas compris dans les charges opérationnelles affectées. C’est un résultat un peu en hausse par rapport à 2020 mais toujours en retrait par rapport à la moyenne des dix années précédentes qui atteint les 1 976 €/ha. En revanche, sur base des données provisoires de 2022, compte tenu de la hausse du prix du sucre et malgré des charges en hausse, la marge brute de la betterave sera en hausse et, à ce stade dépasse les 3 100 €/ha.
Si l’on considère la marge brute, en tenant compte des travaux par tiers, sa valeur tombe à 1 265 €/ha, en 2021. Depuis 2018, cette marge brute est inférieure à celle de la culture de froment d’hiver, de chicorées, de pommes de terre et parfois même de l’épeautre.
- Au sein de la zone « grandes cultures », les producteurs les plus performants dégagent 900 €/ha de marge brute supplémentaire à celle obtenue par les moins performants
En 2021, la marge brute de la culture de betteraves sucrières au sein de la zone « grandes cultures » atteint 1 701 €/ha, soit pratiquement 440 €/ha en plus que dans le Condroz. Les charges étant similaires dans les deux zones, c’est essentiellement la différence de rendement qui explique cet écart.
Au sein de la zone « grandes cultures », les producteurs les plus performants dégagent une marge brute de 2 143 €/ha, alors que les moins performants peinent à atteindre 1 228 €/ha. Si on intègre les travaux par tiers, ces valeurs tombent respectivement à 1 738 €/ha et 873 €/ha. Sachant que cette marge doit couvrir les charges non affectées, pour ces dernières exploitations, le revenu agricole de la betterave se limitera à une valeur proche des aides du premier pilier octroyées dans le cadre de la politique agricole commune [PAC].