Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers. Faisant suite à la présentation des produits et des charges de cette exploitation, sont analysées, en procédant par étape, les évolutions de la marge brute, de l’excédent brut et des revenus. Ces analyses utilisent les données provenant du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA].

Au départ d’une marge brute de l’ordre de 41,2 €/100 l de lait, l’exploitation spécialisée en bovins laitiers obtient un excédent brut proche de 36,2 €/100 l de lait et un revenu agricole de presque 84 090 € par unité de travail familial. Après quelques années de stabilité relative, ces indicateurs présentent des valeurs en forte hausse.

En 2022, la marge brute de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers enregistre une hausse de près de 70% par rapport à la moyenne des dix années précédentes

La marge brute traduit l’efficacité avec laquelle l’exploitation génère des produits au moyen de ses charges opérationnelles affectées. En 2022, elle est de 41,2 €/100 l de lait (44,3 €/100 l de lait, travaux par tiers exclus des charges).

La marge brute pour les exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2022 est très nettement supérieure à la moyenne des dix années précédentes qui est de l’ordre de 23,9 €/100 l de lait. A l’opposé, l’année 2016 reste l’année la plus mauvaise de la décennie, les produits, ayant chuté de manière plus importante que les charges, amenant ainsi la marge brute à 16,5 €/100 l de lait.

Si l’on veut analyser spécifiquement l’activité des bovins et des cultures fourragères de ces exploitations, on peut calculer la marge brute des bovins et des cultures fourragères qui est de 37,8 €/100 l de lait (40,4 €/100 l de lait sans les travaux par tiers dans les charges).

Exprimée par vache ou par ha de SAU, la marge brute de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers est respectivement de 2 739 € et de 2 741 €. Quelle que soit l’unité, la hausse par rapport à 2021 est de l’ordre de 1 000 €.

Calcul de la marge brute en 2022

Evolution de la marge brute de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

 

- La marge brute des plus performants est supérieure à celle des moins performants de près de 1 200 €/vache

Classement des exploitations selon leur niveau de performance

Les exploitations conventionnelles spécialisées en bovins laitiers sont classées dans des groupes en fonction de leur performance (faible, moyenne ou élevée) exprimée par le revenu du travail par unité de travail. Outre leur spécialisation en production laitière et leur mode de production conventionnel, les autres critères de sélection des exploitations sont d'avoir au 4 000 l/vache, une présence de minimum 20 vaches laitières et de maximum 5 vaches viandeuses. Les produits des bovins et des cultures fourragère doit couvrir au moins 65 % de la SAU. Enfin, la part du volume de lait vendu directement à la ferme ne peut excéder 25 % et celle consommée sur la ferme ne peut dépasser 10 %. Cet échantillon d'analyse de groupes de performance diffère de l'exploitation type-spécialisée en bovins laitiers par son mode de production et les seuils de sélection mais aussi par le fait qu'une simple moyenne arithmétique des valeurs individuelles est réalisée sans pondérer en fonction de leur représentativité. Les exploitations ainsi sélectionnées ont une superficie moyenne de 76,7 ha pour 92 vaches laitières avec un rendement laitier de 6 967 l/vache. Elles sont donc en moyenne un peu plus grande que l'exploitation-type spécialisée en bovins laitiers et avec une production par vache un peu supérieure.

 

La différence de marge brute des bovins et des cultures fourragères exprimée par 100 l de lait entre les groupes de performances montre un moins bon résultat pour le groupe des moins performants. Ces derniers ont une marge brute des bovins et cultures fourragères de l’ordre de 36,1 €/100 l de lait alors qu’elle est de l’ordre de 40,3 €/100 l de lait pour les autres. Les produits des bovins et cultures fourragères étant relativement similaires entre les groupes de performance, c’est essentiellement, en 2022, un niveau de charges opérationnelles affectées différent qui explique cet écart.

Si l’on compare les valeurs exprimées par vache, en 2022, les exploitations laitières spécialisées les plus performantes ont un niveau de charges opérationnelles par vache plus élevé que celui des moins performants. Toutefois, cet écart est largement compensé par un produit supérieur lié notamment à un rendement laitier nettement plus élevé soutenu par un prix très haut. Cette marge brute atteint 3 263 €/vache pour les plus performants alors qu’elle se limite à 2 088 €/vache pour les moins performants, soit un écart de près de 1 200 €/vache entre les groupes extrêmes.

Ramenée par ha de superficie fourragère, la marge brute des bovins et cultures fourragères dépasse 4 610 €/ha pour les plus performants alors qu’elle n’est qu’à inférieure à 2 400 €/ha pour les moins performants, soit à peine plus de la moitié.

Marge brute des bovins et des cultures fourragères selon le niveau de performance de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers en 2022

 

L’évolution de l’excédent brut d’exploitation [EBE] est très similaire à celle de la marge brute

L’excédent brut d’exploitation est le résultat de la soustraction des charges réelles de l’exploitation (hors amortissements et intérêts) au total des produits des activités (produits exceptionnels non compris) et des aides récurrentes. Il doit permettre de rémunérer la main d’œuvre familiale et de financer les investissements. L’excédent brut de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, exprimés par 100 litres, atteint en 2022 une valeur de 36,2 €.

A la différence de la marge brute, l’excédent brut d’exploitation prend en considération les aides ainsi que les charges fixes réelles. Etant donné que les éléments cités évoluent lentement dans le temps, on observe un parallélisme dans l’évolution de ces deux indicateurs de rentabilité.

La moyenne des dix années précédentes de l’excédent brut de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers atteint une valeur de 20,4 €/100 l de lait. Cet excédent brut n’a jamais dépassé 23,5 €/100 l de lait de 2010 à 2021 et l’année 2016 est la plus mauvaise avec un excédent qui plonge à 13,8 €/100 l de lait.

Lorsque l’on exprime cet excédent brut par vache ou par ha de SAU, on obtient respectivement les valeurs de 2 409 € et 2 411 €.

Calcul de l’excédent brut d’exploitation en 2022

Evolution de l'excédent brut de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

 

En 2022, les revenus de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers font plus que doubler par rapport aux moyennes des dix années précédentes

Le revenu du travail et capital familial, ou revenu agricole, est la différence entre d’une part, la valorisation de l’ensemble des productions de l’exploitation et des autres produits (hormis les produits de nature exceptionnelle : ventes d’avoirs, …) et, d’autre part, l’ensemble des charges réelles (sauf les charges exceptionnelles). Ce montant sert à rémunérer le travail des non-salariés, c’est-à-dire les exploitants eux-mêmes, et le capital investi dans l’exploitation.

Quant au revenu du travail, il est le résultat économique de l’exploitation, après avoir couvert l’ensemble des charges réelles (hors main d’œuvre) et les charges calculées sur les capitaux en propriété engagés par l’exploitant dans l’entreprise (fermages nets sur terres en propriété et intérêts sur capital d’exploitation propre). Dans ce revenu, on suppose que le mode de rémunération des facteurs de production (terre, capital et travail) soit le même dans toutes les exploitations. Aucune distinction n'est faite entre les fonds propres et le capital emprunté, ni entre le fait d’être ou non propriétaire et ni entre le travail non salarié et le travail salarié. Le revenu agricole est plus pertinent lorsque l’on parle de la gestion individuelle de l’exploitation tandis que le revenu du travail permet de placer les exploitations dans un référentiel commun de comparaison. Le revenu du travail facilite la comparaison entre exploitations (locataires ou propriétaires) et au fil du temps (pas d’impact des intérêts fluctuants).

En 2022, le revenu agricole monte à une valeur de 28,7 €/100 l de lait, tandis que le revenu du travail s’établit à 25,8 €/100 l de lait. Tant pour le revenu agricole que pour le revenu du travail, l’année 2022 est très nettement supérieure aux années précédentes. L’augmentation du revenu agricole est de près de 140% par rapport au revenu agricole moyen des dix années précédentes. Cette hausse est même de 170 % pour le revenu du travail.

Exprimés par vache laitière, le revenu agricole et le revenu du travail sont respectivement de 1 907 € et 1 714 €. Ramenés par ha de SAU, ces revenus sont de 1 909 € et de 1 715 €. L’évolution de ces valeurs de 2022 par rapport aux années précédentes est évidemment aussi marquée quelle que soit l’unité utilisée.

Calcul des revenus en 2022

Evolution des revenus de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

 

- En 2022, en comparaison des autres grandes orientations technico-économiques, c’est l’exploitation spécialisée en bovins laitiers qui obtient les revenus les plus élevés

Si l’on se penche sur la gestion individuelle de l’exploitation, plus particulièrement sur la main-d’œuvre familiale, le revenu agricole est alors un indicateur pertinent. Sa valeur doit, en principe permettre de rémunérer une unité de main-d’œuvre familiale [UTF] et le capital qu’elle apporte dans l’exploitation.

Il atteint en 2022, pour l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, une valeur de 84 087 €/UTF, supérieure aux 63 955 €/UTF obtenus en moyenne par l’exploitation wallonne et surtout bien supérieure à la moyenne des dix dernières années qui dépasse à peine 31 520 €/UTF. Cette moyenne a été pénalisée par quelques mauvaises années telles que 2012, 2015 et surtout 2016.

D’autre part, il est également intéressant de déterminer le revenu du travail par unité de travail total [UT]. Cette valeur indique la capacité de l’exploitation à rémunérer la main-d’œuvre salariée et non salariée et intègre l’évolution de la performance du travail de la main-d’œuvre. Ce revenu correspond à une rémunération brute, les charges sociales doivent encore y être prélevées. Il permet de comparer et de suivre l’évolution de la capacité des exploitations à rémunérer la main-d’œuvre en les plaçant dans des situations comparables (propriétaire ou non et taux d’intérêts fixe).

En 2022, ce revenu du travail atteint, en moyenne, 69 902 €/UT pour l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, mieux que la moyenne des dix années précédentes de 23 640 €/UT.

Evolution des revenus de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par UT (familiale ou totale)

 

- Le revenu du travail et du capital familial par unité de travail familial des exploitants les plus performants est 4 fois plus élevé que celui des exploitants les moins performants.

Si l’on compare le revenu du travail et capital familial par 100 litres de lait, des différents groupes de performance, celui des plus performants atteint 30,7 €/100 l de lait alors qu’il est à peine de 15,8 €/100 l de lait pour les moins performants, soit deux fois moins. Les revenus du travail total sont de 28,9 €/100 l de lait et 12,7 €/100 l de lait respectivement pour les plus et les moins performants.

En ramenant, ces revenus par vache, la différence est amplifiée car le rendement laitier des plus performants est supérieur.  Ainsi le revenu du travail et capital familial des plus performants est de 2 480 €/vache laitière contre à peine 913 €/vache laitière pour les moins performants. Les valeurs de revenu du travail total sont respectivement de 2 336 et 734 €/vache laitière pour ces deux groupes de performance extrêmes.

Les écarts observés entre les groupes de performance extrêmes sont à nouveau amplifiés lorsque l’on compare les revenus par unité de travail. En effet, à l’écart de marge s’ajoute la plus grande productivité du travail pour les exploitations les plus performantes. Ainsi le revenu agricole du groupe le plus performant atteint 174 150 € par UTF alors qu’il est d’à peine 44 750 €/UTF pour les moins performants. Si l’on considère le revenu du travail par unité de travail total, les valeurs sont respectivement de 136 950 €/UT et de 30 580 €/UT.

Pour ces exploitations très spécialisées n’ayant qu’une production unique, il est possible d’approcher la valeur du coût de production. Ce dernier est égal à la somme des charges nécessaires à la production laitière. Pour les plus performants, ce coût de production est de 50 €/100 l de lait alors qu’il monte à plus de 74,6 €/100 l de lait pour les moins performants. Si l’on prend en considération qu’il y a d’autres sources de produits que la valorisation de lait sur l’exploitation dont notamment la valorisation du cheptel ou les aides, on peut déterminer un prix de revient qui égale ce coût de production dont on déduit les autres produits que le lait. Ce prix de revient est alors de 39 €/100 l de lait pour les plus performants et de 62,3 €/100 l de lait pour les moins performants. Cela signifie que si le prix du lait est de 39 €/100 l, les plus performants sont en mesure de payer leurs charges, y compris la rémunération de leur travail, alors que les moins performants doivent obtenir un prix du lait de 52,3 €/100 litres. En déduisant la charge de main-d’œuvre familiale, ce prix de revient, hors rémunération de la main-d’œuvre familiale, descend à 28,2 €/100 l de lait pour les plus performants et est de 43,5 €/100 l pour les moins performants.

Revenus par unité de travail de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers selon les niveaux de performances en 2022

Coût de production et prix de revient de la production des exploitations spécialisées en bovins laitiers selon les niveaux de performances en 2022

 

- En 2022, un quart des exploitations spécialisées en bovins laitiers ont un revenu du travail supérieur à 100 000 €/UT

Derrière ces valeurs moyennes se cache une grande disparité entre exploitations. Plus d’un quart des exploitations ont un revenu du travail par unité de travail total supérieur à 100 000 €/UT, tandis que plus de 7 % d’exploitations ont un revenu inférieur à 20 000 €/UT et 1% obtiennent même un revenu négatif alors que l’année 2022 est une année exceptionnelle. Pour ces dernières, cela traduit que l’exploitation n’est pas en mesure de fournir une rémunération au travail et au capital investi du même niveau que celui retenu pour ces charges calculées (travail familial et intérêt sur le capital investi). La variabilité est liée à une série d’éléments dont certains sont parfois indépendants de la bonne ou mauvaise gestion de l’exploitant (localisation, santé, âge, …).

Répartition des exploitations spécialisée en bovins laitiers selon le revenu du travail total par UT en 2022