Cette fiche porte sur le nombre d’exploitations agricoles en Wallonie et leur évolution au cours du temps selon deux approches : leur orientation technico-économique [OTE] et leur répartition sur le territoire.
Le secteur agricole wallon a perdu plus de la moitié de ses effectifs en 30 ans, pour atteindre en 2022, 12 670 fermes. Les nombreuses crises, les changements de politique, l’instabilité des prix, la problématique d’accès à la terre et la pression sur le travail ont entraîné la disparition de nombreuses exploitations principalement dans le secteur de l’élevage bovin laitier. Cependant, depuis quelques années, le nombre d’exploitations semble se stabiliser et les exploitations de grande dimension (plus de 100 ha) sont, quant à elles, en augmentation.
La Wallonie a perdu plus de la moitié de ses exploitations depuis 1990
En 2022, le nombre total d’exploitations agricoles et horticoles s’élève à 12 670, soit une perte de 57 % depuis 1990. Cette réduction (- 3 %/an) constitue une tendance lourde. Cependant, depuis 2015, cette évolution semble ralentir avec un nombre d’exploitations se stabilisant.
Le taux de remplacement est un indicateur important pour évaluer l’évolution du nombre d’exploitations. De 2001 à 2010, ce taux de remplacement était en moyenne de 0,32, c'est-à-dire qu’à peine une exploitation agricole sur trois cessant ses activités a été « remplacée » durant cette période. Ce chiffre a atteint 0,83 pour la décennie suivante (2011-2022), reflétant cette tendance à la stabilisation. Le début des années 2020 semblent poursuivre cette tendance avec un taux de remplacement de 0,94 pour 2021-2022
- Les exploitations wallonnes se professionnalisent au cours du temps
Pour classer les exploitations selon leur dimension économique, nous nous basons sur les productions brutes standards [PBS]. Les exploitations ayant moins de 25 000 € de PBS sont considérées comme n’ayant pas une dimension professionnelle.
En 2022, 82 % des exploitations wallonnes, sont 10 429, ont une dimension professionnelle contre 56 % en 1990. La diminution du nombre de ce type d’exploitations est moins importante que pour l’ensemble de l’effectif wallon, respectivement - 36 et - 56 %.
- Les exploitations spécialisées en élevage bovin voient leur nombre diminuer tandis que celles spécialisées en grandes cultures passent de 16 à 33 % des exploitations wallonnes en trente ans
L’analyse selon l’orientation technico-économique [OTE] n’est réalisée que pour les exploitations dites professionnelles.
En 2022, les exploitations bovines spécialisées prédominent dans le secteur agricole wallon et représentent 46 % des exploitations professionnelles wallonnes. Près de la moitié des exploitations bovines spécialisées sont donc axées sur la production de viande. La spécialisation en grandes cultures concerne une exploitation sur trois.
Le secteur de l’élevage perd en importance de façon globale face à l’accroissement du nombre d’exploitations spécialisées en grandes cultures. En trente ans, la proportion de ce type d'exploitations a doublé. Cette augmentation peut en partie s’expliquer par l’arrêt et la réorientation d’une partie des exploitations d’élevage, principalement les exploitations laitières. Seules les OTE spécialisées en grandes cultures et spécialisées en bovins viandeux voient leur effectif progresser dans le temps. A l’inverse, les exploitations spécialisées en bovins laitiers ont perdu 76 % de leur effectif.
Un important phénomène de concentration est observable au niveau de la production bovine. Depuis 1990, le nombre d’exploitations spécialisées en élevage bovin a chuté de 63 % et ce, pour de multiples raisons. Les années '90 ont été marquées par les différents scandales sanitaires tels que le « bœuf aux hormones » ou la « crise de la vache folle ». Les réglementations ont été adaptées, les contrôles sanitaires renforcés et in fine, les pratiques d’élevage modifiées entrainant malheureusement une diminution de la marge bénéficiaire des éleveurs.
Ces années-là ont également vu le marché européen s’ouvrir aux importations de viande et naître l’Organisation Mondiale du Commerce [OMC] en 1995, entrainant une instabilité des prix plus importante.
Depuis les années 2000, la politique agricole commune [PAC] et ses outils de soutien aux agriculteurs ont pris une orientation plus environnementaliste : développement durable, protection de la biodiversité, etc. A nouveau, le monde de l’élevage a dû évoluer vers un mode de production plus extensif.
En plus de la volatilité des prix et de l’augmentation du prix des intrants, ces dernières années, les éleveurs doivent faire face à des périodes de sécheresse mettant parfois à mal les stocks hivernaux. Le contexte reste donc difficile et à cela s’ajoute une charge de travail importante lorsque l’on s’occupe d’animaux. En effet, l’élevage nécessite une présence 7 jours sur 7, toute l’année. La pression du travail peut être importante. Cela conduit parfois à privilégier les grandes cultures au détriment de l’élevage. Ce qui explique en partie la diminution des élevages spécialisés en culture et bovins.
La mise en place des quotas laitiers en 1984 a bénéficié en quelque sorte au secteur des bovins viandeux. On observe une reconversion non négligeable des élevages laitiers vers des troupeaux viandeux. Cependant, en 1995, la PAC met fin à la garantie d’un prix rémunérateur et le nombre d’exploitations spécialisées en élevage de bovins viandeux suit dès lors la même tendance, à la baisse.
La diminution du nombre d’exploitations spécialisées en bovins laitiers a été rapide entre 1990 et 2010, elle semble ensuite s’être stabilisée entre 2010 et 2015 pour reprendre par après. Ces dernières années, le secteur laitier a souffert de nombreuses crises que ce soit au niveau des prix (2009, 2016) ou encore en 2015 avec la fin des quotas.
- Les régions regroupant majoritairement des exploitations orientées vers les productions bovines ou historiquement de petite dimension ont subi les plus fortes diminutions d’effectifs
Au sein des régions agricoles, en 2022, presque 2 exploitations wallonnes sur 5 sont localisées en région limoneuse, soit 4 652 fermes. Viennent ensuite le Condroz et l’Ardenne avec respectivement 15 % et 14 % des exploitations. Ces régions agricoles totalisant les plus grandes superficies agricoles utilisées [SAU], ce qui peut expliquer qu’elles comptent le plus grand nombre d’exploitations.
La diminution du nombre d’exploitations depuis 1990 a été particulièrement importante en Haute Ardenne et en région herbagère (respectivement - 72 % et - 65 %), régions particulièrement orientées vers la production laitière. Elles comptaient à cette période, une grande proportion d’exploitations de petite dimension (moins de 25 ha) généralement moins résilientes aux défis rencontrés par le secteur agricole. Les régions limoneuse et sablo-limoneuse, dominées par les grandes cultures, ont également perdu des exploitations mais de façon moins importante ; une ferme sur deux.
En 2022, plus de la moitié des exploitations wallonnes sont localisées dans les provinces de Hainaut (31 %) et de Liège (24 %).
La diminution du nombre d’exploitations depuis 1990 a été la plus forte en province de Liège (- 61 %) et dans la province de Luxembourg (- 59 %). Différents éléments peuvent expliquer en partie ce constat. Ces provinces se caractérisent par la présence de beaucoup d’exploitations bovines spécialisées, secteur ayant été malmené ces dernières années (crises laitières, prix des bovins structurellement bas, etc.). De plus, dans ces deux provinces, la moitié des agriculteurs de 50 ans et plus déclarent ne pas avoir de successeur, c’est plus que dans les autres provinces. Et pour finir, les exploitations de la province de Liège sont en moyenne de taille plus réduite, ce type d’exploitations étant généralement moins résilient.
En 2022, la Wallonie comptabilise 36 % des exploitations belges alors qu’elles occupent 54 % de la SAU. La densité des exploitations est plus forte en Flandre qu’en Wallonie certainement en raison des types de production différents (hors sol par exemple). Depuis 1990, la Flandre, avec - 61 %, a perdu un peu plus d’exploitations que la Wallonie.
- Avec 17 % en 2022, les exploitations de grande dimension (> 100 ha de SAU) sont de plus en plus nombreuses
En 2022, un tiers des exploitations agricoles exploitent une SAU inférieure à 25 ha, alors que 17 % des exploitations disposent d’une SAU supérieure à 100 ha.
Cette répartition a fortement évolué depuis 1990 où les exploitations de moins de 25 ha représentaient 60 % de l’effectif et celles de plus de 100 ha seulement 2 % de celui-ci. Les plus « petites » exploitations disparaissent souvent par manque de repreneur ou par manque de résilience face aux évolutions du secteur agricole. Les terres disponibles sont alors généralement reprises par des exploitants voisins qui, de ce fait, augmentent leur propre surface.
- Une exploitation sur dix a choisi le statut « personne morale »
Les exploitations agricoles peuvent être classées selon 2 statuts principaux : personne physique et personne morale.
En 2020, 13 % des exploitations ont un statut de « personne morale », sous forme de sociétés. Ces exploitations utilisent 15 % de la SAU wallonne totale. Plus de la moitié d’entre elles (56 %) sont spécialisées en grandes cultures et 18 % en productions bovines, principalement en viande. Les régions sablo-limoneuse, limoneuse et le Condroz ont proportionnellement plus d’exploitations sous statut « personne morale » que les autres régions agricoles.
L’apparition des personnes morales n’est pas nouvelle dans le secteur agricole et horticole wallon, mais ce type d’exploitation présente une nette tendance haussière ces dernières années. Leur nombre reste toutefois faible mais a quintuplé depuis 1990, passant de 340 à 1 628 exploitations.
Parmi les 11 082 exploitations sous statut « personne physique », 1 926 sont des groupements (mari-épouse, père-fils, etc.).