Cette fiche analyse la culture d’épeautre selon une approche territoriale et une approche technico-économique. La première décrit la répartition des superficies de cette culture en région wallonne selon la super-région et selon l'orientation technico-économique [OTE]. La seconde analyse les facteurs influençant la marge brute de cette culture, et ce, pour l’ensemble des producteurs, en agriculture conventionnelle, du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA] ayant au moins 1 ha de culture d’épeautre. Elle présente les différents éléments constituant la marge brute : les produits et les charges opérationnelles affectées à cette culture, sur l’ensemble du territoire, au sein des régions agricoles et sur la zone herbagère.

Le grain d'épeautre est souvent utilisé en alimentation animale, raison pour laquelle on retrouve cette culture majoritairement dans les exploitations tournées vers l'élevage. Un peu moins d'un cinquième des agriculteurs wallons consacrent une partie de leur superficie à cette culture. Après six années de résultat en hausse, en 2021, la culture d’épeautre voit sa marge brute redescendre fortement pour arriver à 913 €/ha.

Les superficies emblavées en épeautre connaissent des fluctuations selon les résultats économiques des années précédentes

En 2021, la culture d’épeautre occupe 17 006 ha répartis entre 2 661 exploitants qui y consacrent une superficie moyenne d’un peu moins de 6,4 ha. Une bonne partie des producteurs utilise, au moins partiellement, le grain pour l’alimentation de leur cheptel. L’épeautre est, en effet, une céréale très riche en cellulose qui apporte un bénéfice pour la rumination.

  • 39 % de la superficie emblavée en épeautre est située dans la zone herbagère

Subdivision en « super-région » 

Pour analyser l’influence des régions agricoles sur les cultures commerçables, on distingue trois « super- régions » que l’on suppose suffisamment homogènes sur le plan des techniques culturales et des résultats. Premièrement, la zone « grandes cultures » regroupant les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que la Campine hennuyère. C’est dans ces régions que les cultures commerçables sont les plus fréquentes et que l’on retrouve le plus d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Deuxièmement, la zone « herbagère » composée des régions agricoles : région herbagère liégeoise, Fagnes, Famenne, région jurassique, Ardenne et Haute Ardenne. Ces régions sont plus spécialisées en élevage, surtout bovin, et le pourcentage de prairies y est important. Finalement, la zone « Condroz » qui est une région agricole intermédiaire. Cette subdivision de la Wallonie est réalisée pour obtenir un effectif suffisant pour comparer les zones entre elles et pour réaliser des analyses de classe de performance au sein d’une zone donnée (essentiellement la zone « grandes cultures »).

 

Cette céréale rustique se rencontre dans les régions moins favorables aux « grandes cultures ». De ce fait, 39 % de la superficie emblavée en épeautre se retrouvent dans la zone herbagère, contre 32 % dans la zone « grandes cultures » et 29 % dans le Condroz. C’est dans cette dernière que les superficies par exploitation sont les plus grandes et dépassent 8,1 ha.

Répartition des superficies de culture d'épeautre des exploitations professionnelles selon l'OTE en 2021

Nombre d'exploitations professionnelles produisant de l'épeautre et superficies moyennes consacrées à cette culture selon l'OTE en 2021

 

- La majorité des producteurs d’épeautre sont des exploitations tournées vers l’élevage bovin

L’analyse des facteurs sur base des orientations technico-économiques [OTE] n’est effectuée que pour les exploitations dites professionnelles, c'est-à-dire dont la production brute standard totale est supérieure à 25 000 euros. Ces dernières couvrent 97 % de la superficie agricole utile [SAU] wallonne.

En 2021, ce sont 16 739 ha d’épeautre qui sont cultivés par 2 558 exploitants professionnels. La majorité des producteurs d’épeautre sont des exploitations tournées vers l’élevage bovin. A contrario, moins de 29 % sont gérés au sein d’exploitations spécialisées en grandes cultures, confirmant l’alimentation animale comme destination majoritaire de cette culture. Ces exploitations ont une surface emblavée en épeautre supérieure aux autres types d’exploitations, elles cultivent ensemble 36 % de la surface de cette céréale.

Répartition des superficies de culture d'épeautre selon la super-région en 2021

Nombre d'exploitations produisant de l'épeautre et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2021

 

L’année 2021 se caractérise par une chute du rendement et du un prix 

En 2021, le rendement de la culture d’épeautre s’établit à 6 380 kg/ha, soit 1 000 kg/ha en moins que la moyenne des dix années précédentes qui est de l’ordre de 7 460 kg/ha. De façon similaire à la culture du froment, cette culture a souffert du printemps et de l’été froids et humides qui ont pénalisé le potentiel de production. La récolte a été rendue plus difficile, par les pluies abondantes.

Le prix de vente du grain d’épeautre atteint en 2021 une valeur de 211 €/tonne. Contrairement à celui du froment, le prix est descendu par rapport à l’année précédente, brisant de ce fait, l’évolution positive observée depuis 2015.

Evolution du rendement de la culture d'épeautre et du prix de vente de son grain

 

- Des différentiels de rendement de plus de 3 tonnes/ha sont observés en 2021 entre producteurs de la zone herbagère, témoin de l’hétérogénéité des situations

Pour l’année 2021, le rendement moyen de la culture d’épeautre en zone « grandes cultures » est de 7 150 kg/ha, 6 625 kg/ha dans le Condroz, et 5 875 kg/ha dans la zone herbagère. Le prix de vente obtenu par les agriculteurs de la zone herbagère est relativement plus élevé que celui de la zone « grandes cultures » ou du Condroz.

Si on compare les agriculteurs au sein de la zone herbagère, au niveau de leur performance dans l’obtention d’une marge brute élevée, on observe un écart de rendement très important de plus de 3 250  kg/ha. L’épeautre est une céréale secondaire et qui n’occupe en général qu’une petite superficie dans ces exploitations et dans les parcelles les moins productives. De ce fait, régulièrement on observe un écart important entre les groupes de performance extrême. 

 

Rendement de la culture d'épeautre et prix de vente de son grain selon la super-région en 2021

Rendement de la culture d'épeautre et prix de vente de son grain de la zone herbagère selon le niveau de performance des exploitations en 2021

 

En 2021, le prix et le rendement en baisse entraînent une importante chute du produit principal de la culture d’épeautre

En 2021, l’effet combiné d’un rendement et d’un prix en baisse limite le produit principal de l’épeautre qui s’établit à seulement 1 342 €/ha. C’est nettement moins que la moyenne des dix années antérieures qui est de l’ordre de 1 660 €/ha. A ce produit principal s’ajoute le produit secondaire lié à la paille qui s’établit à 302 €/ha. Le total des deux produits atteint ainsi une valeur de 1 644 €/ha.

Evolution du produit principal et secondaire de la culture d'épeautre

 

- Le différentiel de produits entre super-région est moins important qu’entre les classes de performance au sein de la zone herbagère

La comparaison entre les agriculteurs situés en zone « grandes cultures » et ceux en zone herbagère révèle un différentiel de l’ordre de 130 €/ha de produit pour la cutlure d’épeautre. Le produit principal s’élève à 1 308 €/ha dans la zone herbagère, à 1 384 €/ha dans le Condroz et à 1 441 €/ha dans la zone « grandes cultures ». La différence est peu marquée entre les super-régions, les mauvaises conditions n’ayant pas permis aux zones les plus productives d’exprimer leur plein potentiel.

Si l’on compare les performances des cultivateurs dans la zone herbagère, on relève un différentiel de produit s’élevant à 928 €/ha entre les groupes extrêmes. Ainsi, les producteurs les moins performants, avec un rendement plus faible, se contentent d’un produit de 858 €/ha alors que les plus performants obtiennent un produit de pratiquement 1 786 €/ha, plus élevé que la moyenne des producteurs de la zone « grandes cultures ».

Produit principal et secondaire de la culture d'épeautre selon la super-région en 2021

Produits principal et secondaire de la culture d'épeautre de la zone herbagère selon le niveau de performance des exploitations en 2021

 

Le total des charges opérationnelles affectées reste limité pour la culture d’épeautre

En 2021, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, pour la culture d’épeautre s’élèvent à 429 €/ha, légèrement inférieures à la moyenne des dix années précédentes de 452 €/ha. Ces charges opérationnelles affectées avaient augmenté de 2010 à 2014 pour dépasser les 500 €/ha avant de diminuer légèrement. Les dépenses en pesticides sont le poste le plus important et représentent environ 37 % du total de ces charges, suivi par les achats d’engrais avec 34 % et enfin de semences avec 27 %. Au début des années 2010, les achats d'engrais étaient le poste le plus important.

L’épeautre est une culture moins exigeante que celle du froment au niveau fertilisation et se contente d’une fumure azotée d’environ 140 unités/ha. Les apports de phosphore sont de l’ordre de 12 unités/ha et ceux de potassium atteignent 17 unités/ha. Signalons que ces fumures phospho-potassique sont en général un peu plus élevées dans la zone herbagère. Il s’agit bien souvent d’une des rares cultures. Il n’y a donc pas de culture en tête de rotation nécessitant un apport important de ces éléments dans l’assolement de ces exploitations.

A titre informatif, le montant dédié aux travaux par tiers est de 152 €/ha en 2021, équivalent à la moyenne des dix années précédentes qui est de 150 €/ha.

Evolution des charges opérationnelles affectées à la culture d'épeautre

 

- Les écarts de charges opérationnelles affectées sont réduits aussi bien entre les super-régions qu’entre les groupes de performance au sein de la zone herbagère

Les totaux des charges opérationnelles affectées ne présentent pas de différence significative entre les cultivateurs des diverses zones ou entre les groupes de performances au sein de la zone herbagère. On relève simplement que les dépenses en 2021, sont plus élevées dans le Condroz que pour les deux autres zones et que les agriculteurs les plus performants enregistrent des charges un peu plus élevées de l’ordre de 45 €/ha que les moins performants.

Charges opérationnelles affectées la culture d'épeautre dans la zone herbagère selon le niveau de performance des exploitations en 2021

 

En 2021, la marge brute de l’épeautre chute à une valeur assez médiocre de 913 €/ha

En 2021, la marge brute du produit principal de la culture d’épeautre, c’est-à-dire le grain, atteint 913 €/ha, les travaux par tiers n’étant pas compris dans les charges opérationnelles affectées. C’est la conséquence de produits en baisse alors que les charges n’ont pratiquement pas évolué. C’est un mauvais résultat pour cette céréale après cinq années de croissance continue de sa marge brute. Si l’on prend en compte le produit secondaire de la céréale, c’est-à-dire la paille, et les travaux par tiers dans les charges pour calculer la marge brute, cette dernière monte à 1 063 €/ha.

L’évolution de la marge brute suit assez fidèlement l’évolution du prix de vente du grain, avec un pic en 2013 lié à un prix de vente très élevé, suivi d’un plongeon en 2015 et d’une remontée jusqu’en 2020.

Evolution de la marge brute de la culture d'épeautre

 

- En 2021, les écarts de marge brute sont très réduits entre les super-régions, contrairement à ceux observés entre les groupes de performance au sein de la zone herbagère

La marge brute du produit principal de la culture d’épeautre varie de 903 €/ha en zone herbagère à 1 025 €/ha en zone « grandes cultures ». L’écart est donc peu marqué.

Au sein de la zone herbagère, les producteurs les plus performants dégagent une marge brute de 1 361 €/ha alors que les moins performants n’ont que 479 €/ha. Une telle marge ne laisse guère de perspective de revenus pour le travail réalisé. Si on prend en compte le produit de la paille et les travaux par tiers dans les charges opérationnelles affectées, les marges brutes des groupes de performance extrêmes atteignent respectivement 1 571 €/ha et 703 €/ha.

Marge brute de la culture d'épeautre selon la super-région en 2021

Marge brute de la culture d'épeautre de la zone des grandes cultures selon le niveau de performance des exploitations en 2021