Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation spécialisée en grandes cultures, en Wallonie, en détaillant la structure des produits et des charges, sur base des données provenant du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA].

En 2022, la hausse des produits par unité de superficie agricole utilisée [SAU] démarrée l’année précédente s’est amplifiée et compense très largement l’augmentation des charges. De ce fait, le ratio entre les produits et les charges totales reste bien supérieur à 1, ce qui signifie que l’exploitation spécialisée en grandes cultures a, en moyenne, des produits en suffisance pour couvrir l’ensemble des charges réelles et calculées.

Les produits de l’exploitation spécialisée en grandes cultures enregistrent une hausse de l’ordre de 600 €/ha de SAU par rapport à l’année précédente

Les produits d’une exploitation contiennent la valorisation des productions et des services agricoles, les recettes des autres activités lucratives, les régularisations et également les aides. La valorisation des productions englobe les ventes mais également la valorisation des stocks (cultures ou animaux) et de l’intra-consommation.

Pour l’année 2022, la somme des produits de l’exploitation spécialisée en grandes cultures atteint une valeur de 3 450 €/ha de SAU, aides comprises. Les produits des cultures commerçables représentent presque 77 % du total. Les produits des herbivores et cultures fourragères représentent seulement 5 %. Le solde provient des autres activités lucratives, des granivores et bien évidemment des aides.

Durant la dernière décennie, l’ensemble des produits a enregistré une hausse pour atteindre 2 825 €/ha de SAU en 2012 ; ensuite une baisse, durant quatre années consécutives ; jusqu’à 2 267 €/ha de SAU en 2016, année marquée par de très mauvais rendements et prix pour les céréales et les betteraves sucrières. La situation se redresse ensuite progressivement, avec une légère chute en 2019 pour finalement atteindre, en 2022, le niveau le plus élevé de produits depuis 2010. L’augmentation par rapport à l’année précédente est de plus de 600 €/ha.

Parmi ces produits, les aides présentent une tendance générale à la baisse, entre autres liée à la discipline financière et à la convergence externe (entre Etats membres) impliquant une enveloppe qui se réduit un peu chaque année. Au début de la programmation 2007-2013, pour les exploitations spécialisées en grandes cultures du réseau comptable de la DAEA, le montant était de l’ordre de 460 €/ha de SAU. En 2022, le montant moyen reçu, comprenant les montants des primes du premier et du deuxième pilier, est de l’ordre de 355 €/ha de SAU.

Parallèlement, les « autres produits » provenant, par exemple, des autres activités lucratives telles que la prestation de service pour tiers et l’agritourisme se développent. Dans cette catégorie de produits, sont comprises également, en tant que régularisation des exercices précédents, les indemnités « calamités agricoles », pour les sècheresses 2018 et 2020, et perçues par exemple en 2021.

Evolution des produits de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures par unité de SAU

Structure des produits de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures en 2022

Evolution des aides et des autres produits de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures par unité de SAU

 

Les charges totales de l’exploitation spécialisée en grandes cultures sont inférieures à ses produits

Au sein des charges d’une exploitation, on peut distinguer les charges opérationnelles affectées directement liées à une activité (semences, engrais, produits phytosanitaires, aliments, frais de cheptel) et les charges de structure intégrant les dépenses réelles (fermages, assurances, frais d’entretien, frais généraux, main-d’œuvre salariée, …) et calculées (amortissements comptables, intérêts sur l’actif). On distingue des deux précédentes la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale).

En 2022, le total des charges de l’exploitation spécialisée en grandes cultures s’élève à 2 905 €/ha de SAU. Les parts des charges opérationnelles affectées et de structure sont respectivement de 35 et 46 %. Le reste, soit 19 % concerne la rémunération du travail familial (non salarié).

Le total de ces charges montre une évolution globale à la hausse jusqu’en 2014 avant de présenter une légère tendance baissière, due essentiellement à une réduction des charges opérationnelles affectées jusqu’à cette année 2022 où ces dernières augmentent de plus de 200 €/ha de SAU. Les charges de structure enregistrent une hausse plus régulière mais relativement importante, passant de quelques 950 €/ha de SAU au début de la décennie à plus de 1 320 €/ha de SAU en 2022.

Evolution des charges de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures par unité de SAU

Structure des charges de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures en 2022

 

- La hausse du prix des engrais entraine les charges opérationnelles affectées vers leur niveau le plus haut depuis 10 ans

En 2022, les charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en grandes cultures, s’élèvent à 1 032 €/ha de SAU, alors que la moyenne des dix années précédentes est de l’ordre de 813 €/ha de SAU. La hausse est bien marquée pour l’année 2022, après des années relativement calmes. Au cours des années précédentes, les charges liées aux semences, aux engrais, aux produits phytosanitaires avaient un poids relativement similaire. En 2022, les charges en engrais font plus que doubler et expliquent pratiquement à elles seules la hausse des charges opérationnelles affectées, les dépenses en semences et pesticides n’ayant que peu évolué. Dans ce contexte de prix des fertilisants très élevés, les agriculteurs ont bien souvent réduit leur niveau de fertilisation.

L’exploitation spécialisée en grandes cultures fait appel à des tiers pour les travaux agricoles pour un montant de plus de 225 €/ha, en augmentation par rapport à 2021. Ce poste est habituellement le plus important parmi les charges opérationnelles sauf cette année ou il s’est fait devancer par les engrais. Ce recours à du travail par tiers répond à un problème de rentabilité de certains matériels à l’échelle d’une exploitation mais également à un besoin de main-d’œuvre extérieure pour la réalisation de certains travaux.

Les frais de cheptel sont peu élevés étant donné la faible importance de l’activité d’élevage de ce type d’exploitation.

Evolution des charges opérationnelles affectées de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures par unité de SAU

Structure des charges opérationnelles affectées de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures en 2022

 

- Parmi les charges de structure, les charges foncières et les charges de matériel font jeu égal

Les charges de matériel représentent 518 €/ha de SAU, soit 39 % des charges de structure pour 2022. Avec une valeur de 514 €/ha de SAU en 2022, les charges liées au foncier (amortissements, intérêts, entretien, location et assurances des biens fonciers) représentent aussi 39 % des charges de structure de l’exploitation spécialisée en grandes cultures. De 420 €/ha de SAU en 2010, elles vont augmenter et dépasser les 550 €/ha de SAU en 2014, avant de redescendre au niveau actuel. Les autres types de charges qui intègrent essentiellement les frais généraux, les énergies non affectées, les intérêts sur le capital circulant et les salariés, augmentent progressivement chaque année.

Les exploitants réalisent une part des travaux avec leur propre matériel et en confient une part à des tiers. Selon les choix de gestion de l’agriculteur et de disponibilité de la main-d’œuvre, cette répartition évolue. Les charges de matériel de l’exploitation doivent donc être mises en relation avec le recours à des tiers pour les travaux agricoles dont on observe une légère hausse. La somme de ces deux types de charges donne une valeur moyenne de l’ordre de 683 €/ha de SAU au cours des dix années précédentes. Les variations annuelles sont notamment liées à la fluctuation du prix de l’énergie qui impacte directement les dépenses en combustibles de l’exploitation, et influence les tarifs de leurs prestataires de service, notamment les entrepreneurs de travaux agricoles. Pour le matériel de l’exploitation, la charge en carburant, après un minimum de 42,2 €/ha de SAU en 2020, remonte à plus de 95 €/ha de SAU en 2022.

Evolution des charges de structure de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures par unité de SAU

Composition des charges de structure de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures en 2022

Evolution des charges de mécanisation et des travaux par tiers de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures par unité de SAU

 

Le volume des produits est suffisant pour couvrir l’ensemble des charges de l’exploitation spécialisée en grandes cultures

Pour comparer le total des produits et des charges de l’exploitation, on peut analyser la valeur des produits par 1 000 € de charges. Si la valeur obtenue est inférieure à 1 000 €, cela signifie que les produits de l’exploitation sont insuffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production, y compris de la main-d’œuvre familiale et de l’ensemble du capital (en considérant un fermage sur la totalité de la SAU et un intérêt sur le capital). En 2022, l’exploitation spécialisée en grandes cultures a engrangé 1 190 € de produits pour 1 000 € de charges. C’est mieux que la moyenne des dix années précédentes qui indique 1 001 € de produits par 1 000 € de charges. En d’autres mots, l’exploitation spécialisée en grandes cultures est en moyenne en 2022, largement en mesure de couvrir l’ensemble de ses charges. Si la situation s’est dégradée de 2014 à 2016, les années 2020 à 2022 retrouvent une valeur plus proche de celles observées début 2010, l’année 2022 étant la meilleure.

Evolution des produits par 1 000 € de charges de l'exploitation wallonne spécialisée en grandes cultures