Cette fiche aborde la rentabilité des exploitations wallonnes dites professionnelles en détaillant la structure des produits et des charges. Cette analyse repose sur l’ensemble des résultats issus du réseau comptable de Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA].
Les produits par unité de superficie agricole utilisée [SAU] enregistrent une forte hausse en 2022, résultant de prix à la hausse pour la plupart des productions des cultures commerçables et le lait notamment. Les charges, restées assez stables ces dernières années, subissent également une hausse marquée notamment à cause du coût de l’énergie. Outre ces évolutions, de grandes disparités existent entre les différentes orientations technico-économiques [OTE]. L’importance de l’élevage bovin dans l’exploitation wallonne moyenne se reflète dans la part élevée des produits, mais aussi des charges, liés à cette activité.
En 2022, le niveau des produits dépasset les 3 900 €/ha de SAU grâce à une hausse des prix
Les produits d’une exploitation contiennent la valorisation des productions et des services agricoles, les recettes des autres activités lucratives, les régularisations et également les aides. La valorisation des productions englobe les ventes mais également la valorisation des stocks (cultures ou animaux) et de l’intra-consommation.
Pour l’année 2022, la somme des produits, aides comprises, atteint une valeur de 3 907 €/ha de SAU. Les produits des herbivores et des cultures fourragères représentent près de 46 % du total, étant donné l’importance de l’élevage, essentiellement bovin, en Wallonie. Les produits des cultures commerçables représentent environ 32 % du total.
En 2009, au lendemain de la crise financière, les prix sur les marchés sont peu élevés pour les céréales, les betteraves sucrières et le lait notamment. Globalement, la situation va s’améliorer au cours des années 2010 à 2014, tantôt pour les cultures, tantôt pour l’élevage, pour arriver à un maximum en 2013-2014. On assiste ensuite à une baisse des produits, notamment en 2016, année marquée par une nouvelle crise dans le secteur laitier et de très mauvais rendements pour les céréales et les betteraves sucrières. La situation se redresse peu à peu à partir de 2017 pour dépasser à partir de 2021, le niveau des produits de 2013-2014.
Parmi ces produits, les aides liées à la Politique agricole commune [PAC] présentent une tendance à la baisse, conséquence entre autres, de la discipline financière et à la convergence externe (entre Etats membres) impliquant une enveloppe qui se réduit un peu chaque année. Au début de la programmation 2007-2013, pour les exploitations du réseau comptable de la DAEA, le montant était de l’ordre de 500 €/ha de SAU. En 2022, le montant moyen reçu, comprenant les montants des aides directes et des aides du deuxième pilier liées à la surface, est de l’ordre de 435 €/ha de SAU.
Parallèlement, les « autres produits » provenant, par exemple, des autres activités lucratives telles que la prestation de service pour tiers et l’agritourisme se développent. Signalons, cependant, que la hausse marquée observée au niveau de cette catégorie en 2020 et 2021, est liée partiellement au paiement des indemnités "calamités agricoles" pour les sécheresses 2018 et 2020.
- L’orientation technico-économique de l’exploitation influence fortement le montant et la structure des produits
Le montant et la structure des produits générés par les exploitations dites professionnelles, en Wallonie, dépendent de leur orientation technico-économique [OTE]. D’une manière générale, les exploitations spécialisées en bovins laitiers génèrent, par hectare de SAU, des produits pratiquement doubles de ceux des exploitations spécialisées en bovins viandeux. Les exploitations spécialisées en grandes cultures ont un niveau intermédiaire de produits, dont l’origine n’est évidemment pas liée aux herbivores et aux fourrages. La part des aides dans les produits par hectare de SAU, est la plus élevée pour les élevages de bovins viandeux, du fait de l’importance des aides couplées.
En ce qui concerne les régions agricoles, la structure des produits découle de l’importance relative des différentes OTE des exploitations que l’on y rencontre. Du fait de ce mélange, les écarts de produits entre les régions sont moins marqués qu’entre les OTE. Ainsi, en 2022, ce sont les exploitations des régions limoneuse et sablo-limoneuse, herbagère et Haute Ardenne qui présentent le niveau de produit le plus élevé, dépassant les 4 250 €/ha de SAU. Dans ces régions, les exploitations sont principalement spécialisées en grandes cultures ou en élevage laitier. Les régions dominées par l’élevage bovin viandeux telles que l’Ardenne et la région jurassique présentent des produits d’un niveau inférieur, de l’ordre de 3 100 €/ha de SAU, dont la part des produits des herbivores et fourrages dépasse 60 % du total. Les exploitations du Condroz et de Famenne ont des produits intermédiaires de l’ordre de 3 700 €/ha et se singularisent des autres régions par une part plus marquée des produits des granivores, essentiellement des volailles.
Les charges totales de l’exploitation wallonne enregistrent une forte hausse, moindre cependant que celles des produits
Les charges de l’exploitation regroupent les charges opérationnelles affectées, c'est-à-dire directement liées à une activité (semences, engrais, produits phytosanitaires, aliments, frais de cheptel, travaux par tiers et autres charges directes affectées) et les charges de structure intégrant des dépenses réelles (fermages, assurances, frais d’entretien, frais généraux, main-d’œuvre salariée, …) et calculées (amortissements et intérêts sur l’actif). On distingue des deux précédentes la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale).
En 2022, le total des charges de l’exploitation wallonne s’élève à 3 838 €/ha de SAU. La part des charges opérationnelles affectées augmente et atteint presque 41%. Les charge de structure représentent 36 % de ce total. Le reste, soit 24 % porte sur le travail familial (non salarié).
Les charges de l’exploitation wallonne montrent une évolution globale similaire à celle des produits. Au lendemain de la crise financière de 2008, les charges augmentent progressivement jusqu’en 2014 avant de présenter une légère tendance baissière jusqu’en 2017 avant de se stabiliser jusqu’en 2020. L’année 2021 montrait les prémices d’une nouvelle hausse qui se marque nettement en 2022 avec près de 500 €/ha de charges supplémentaires.
La charge calculée de la main-d’œuvre familiale avait baissé depuis 2014 pour atteindre une valeur proche de 860 €/ha en 2021 mais remonte à 910 €/ha en 2022 avec l’augmentation des salaires. Les exploitations maîtrisent également leurs charges de structure qui se sont stabilisées depuis 2014 après une hausse sensible.
- Les charges opérationnelles affectées de l’exploitation wallonne poursuivent nettement la hausse démarrée en 2021 après quelques années de stabilité
En 2022, les charges opérationnelles affectées s’élèvent à 1 559 €/ha de SAU. Elles sont composées à plus de 60 % par les coûts liés au cheptel, comprenant notamment les aliments et les frais de vétérinaires. Elles ont enregistré une hausse assez marquée, passant de 980 €/ha de SAU en 2010, à un maximum de 1 260 €/ha de SAU en 2013, pour ensuite redescendre légèrement et se stabiliser à des valeurs inférieures à 1 200 €/ha de SAU de 2014 à 2020. Poursuivant la hausse entamée en 2021, leur niveau atteint pratiquement le seuil de 1 560 €/ha de SAU. Les charges en semences et pesticides sont relativement similaires avec un montant proche de 100 €/ha de SAU. En revanche, les dépenses pour les engrais qui ont diminué de 2014 à 2020 ont commencé à remonter en 2021 et voient leur montant doubler en 2022 pour atteindre 226 €/ha de SAU. Si l’énergie a connu des prix très bas en 2020, à partir de 2021, les cours remontent progressivement et cela impacte directement les coûts de production des engrais notamment azotés. Face à cette hausse, les agriculteurs ont généralement réduit légèrement la fertilisation, notamment azotée, passant de valeurs proches de 90 à environ 75 unités d’azote par ha de SAU.
L’exploitation wallonne fait régulièrement appel à des tiers pour les travaux agricoles, et ce poste, qui enregistre une hausse, est le second en importance parmi les charges opérationnelles affectées avec près de 191 €/ha de SAU en 2022. Cela répond à un problème de rentabilité de certains matériels à l’échelle d’une exploitation mais également à un besoin de main-d’œuvre extérieure pour la réalisation de certains travaux.
L’examen de la répartition des charges opérationnelles affectées montre de grandes différences selon l’OTE. Pour les exploitations spécialisées en élevage bovin (laitier et viandeux), les charges liées au cheptel, comprenant les aliments du bétail, représentent plus de 75 % des charges variables. A l’inverse, la part des charges en pesticides et semences y sont nettement plus réduites.
- Parmi les charges de structure, ce sont les charges de matériel qui évoluent le plus
Avec une valeur de 497 €/ha de SAU en 2022, les charges foncières représentent 36 % des charges de structure. Elles restent relativement stables dans le temps, si l’on excepte une légère hausse en 2014. Les charges de matériel représentent 551 €/ha de SAU, soit 40 % des charges de structure pour 2022. Entre 2010 et 2014, elles enregistrent une hausse très marquée, passant de 415 à plus de 510 €/ha de SAU. Après être redescendue sous la barre de 480 €/ha de SAU, elles redépassent le seuil de 500 €/ha de SAU en 2021 et même 550 €/ha en 2022. Les charges autres que foncières ou de matériel augmentent progressivement chaque année et représentent un montant de l’ordre de 23 %.
Les exploitants réalisent une part des travaux avec leur propre matériel et en confient une part à des tiers. Selon les choix de gestion de l’agriculteur et de disponibilité de la main-d’œuvre, cette répartition évolue. Les charges de matériel de l’exploitation doivent être mises en relation avec le recours à des tiers pour les travaux agricoles. La somme de ces deux types de charges donne une valeur de 770 €/ha de SAU en 2022, un peu plus élevé que la moyenne des dix années précédentes de 658 €/ha. Les variations annuelles sont notamment liées à la fluctuation du prix de l’énergie qui impacte directement les dépenses en combustibles de l’exploitation, et influence les tarifs de leurs prestataires de service, notamment les entrepreneurs de travaux agricoles. Pour le matériel de l’exploitation, la charge en carburant, après être passée par un minimum en 2020 avec moins de 50 €/ha de SAU, remonte à 110 €/ha de SAU en 2022.
Composition des charges de structure de l'exploitation wallonne en 2022
Foncier (Am. et Ch.) = Foncier (Amortissements et charges imputées)
Matériel (Am. et I.) = Matériel (Amortissements et intérêts)
Foncier (Am. et Ch.) = Foncier (Amortissements et charges imputées)
Matériel (Am. et I.) = Matériel (Amortissements et intérêts)
- L’orientation technico-économique de l’exploitation influence fortement le montant et la structure de ses charges totales
Le montant et la structure des charges totales sont directement influencés par l'OTE de l'exploitation. Ainsi, si l’exploitation spécialisée en bovins laitiers génère des produits plus importants par unité de surface, ses activités exigent aussi un niveau de charges qui atteignent presque 4 600 €/ha de SAU. Les exploitations spécialisées en bovins viandeux ou en grandes cultures se distinguent par le niveau de charges par hectare le plus faible compris entre 2 830 et 2 905 €/ha de SAU.
Les différences observées entre les OTE se traduisent également par une disparité entre les régions agricoles selon l’importance relative de chaque type d’exploitation. Ainsi, pour la région herbagère et la Haute Ardenne, plus orientées vers la production laitière, le niveau de charges est plus élevé qu’ailleurs. En ce qui concerne la répartition des charges selon leur nature (opérationnelles affectées, structure et main-d’œuvre familiale), on observe assez peu de différences entre les régions agricoles. On peut signaler que la part de la main-d’œuvre familiale est un peu moindre dans les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que dans le Condroz.
En 2022, le volume des produits est suffisant pour couvrir l’ensemble des charges de l’exploitation
Pour comparer le total des produits et des charges, y compris imputées, de l’exploitation, on peut analyser la valeur des produits par 1 000 € de charges. Si la valeur obtenue est inférieure à 1 000 €, cela signifie que les produits de l’exploitation sont insuffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production, y compris de la main-d’œuvre familiale et de l’ensemble du capital (en considérant un fermage sur la totalité de la SAU et un intérêt sur le capital). En 2022, pour la première fois depuis 2011, les produits par 1 000 € de charges dépassent 1 000 €/ha ce qui signifie que l’activité agricole peut être considérée comme rentable si toutes les charges décrites devaient faire l’objet d’un réel déboursement. Ce montant a oscillé entre 700 et 931 €/ha entre 2011 et 2021.