Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation professionnelle spécialisée en bovins laitiers, en Wallonie, en détaillant la structure des produits et des charges, sur base des données provenant du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA]. Cette analyse présente d’une part les résultats globaux et, d’autre part, se focalise sur certaines exploitations à mode de production conventionnel en comparant les résultats par groupe de performance.

En 2022, profitant d’une hausse du prix du lait, les produits par 100 L de lait produit augmentent de façon nettement plus marquée que les charges. De ce fait, le ratio entre les produits et les charges évolue favorablement et devient supérieur à 1, ce qui signifie que l’exploitation spécialisée en bovins laitiers a, en moyenne pour l’année 2022, les produits en suffisance pour couvrir l’ensemble des charges réelles et calculées.

Presque 75 % des produits de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers proviennent du lait

Les produits d’une exploitation contiennent la valorisation des productions et des services agricoles, les recettes des autres activités lucratives, les régularisations et également les aides. La valorisation des productions englobe les ventes mais également la valorisation des stocks (cultures ou animaux) et de l’intra-consommation.

Pour l’année 2022, la somme des produits, aides comprises, de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers atteint une valeur de 75,0 €/100 l de lait. 61,9 € proviennent des herbivores et des cultures fourragères (83 % de l’ensemble des produits) dont 55,7 € spécifiquement de la valorisation du lait (74 % de l’ensemble des produits).  Le solde provient essentiellement des aides et des quelques rares cultures commerçables présentes dans ces exploitations.

Durant la dernière décennie, après la crise laitière de 2009, l’ensemble des produits a enregistré une hausse pour dépasser 55 €/100 l de lait en 2013 avant de s’effondrer en 2015 et 2016. La situation se redresse ensuite progressivement pour retrouver, en 2021, un niveau équivalent aux années 2013 et 2014. L’année 2022 se distingue par un niveau très élevé des produits. L’évolution des produits est naturellement corrélée à celle du prix du lait qui en est la composante principale. En 2022, les inquiétudes avec le conflit en Ukraine et la légère baisse de production européenne se sont traduites par une explosion du prix.

Parmi ces produits, les aides présentent une tendance générale à la baisse, entre autres liée à la discipline financière et à la convergence externe (entre Etats membres) impliquant une enveloppe qui se réduit un peu chaque année. Au début de la programmation 2007-2013, pour les exploitations spécialisées en bovins laitiers du réseau comptable de la DAEA, le montant total des primes du premier et du deuxième pilier était de l’ordre de 6,6 €/100 l de lait, alors qu’en 2022, il est de 6,2 €/100 l de lait.

Les « autres produits » provenant, par exemple, des autres activités lucratives telles que la prestation de service pour tiers et l’agritourisme se situent à un niveau inférieur à 2 €/100 l de lait. Dans cette catégorie de produits, sont comprises également, en tant que régularisation des exercices précédents, les indemnités « calamités agricoles », pour les sècheresses 2018 et 2020, et perçues en 2020 et 2021, ce qui explique le rebond de ces deux années.

Exprimé par vache laitière, le total des produits de cette exploitation-type atteint une valeur de 4 980 €/vache laitière dont 3 700 € de produit du lait. Ramené par ha de SAU, ce total de produit atteint 4 990 € dont 4 121 € provenant des herbivores et cultures fourragères et 411 €/ha des aides.

Le niveau de production de ces exploitations spécialisées en bovins laitiers est de 6 647 l/vache laitière ou de 6 653 l/ha de SAU.

Evolution des produits de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

Structure des produits de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers en 2022

Evolution des aides et des autres produits de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

 

- Au sein des exploitations conventionnelles spécialisées en bovins laitiers, l’écart de produits des bovins et cultures fourragères entre les groupes de performances dépasse 1 500 €/vache

Classement des exploitations selon leur niveau de performance

Les exploitations conventionnelles spécialisées en bovins laitiers sont classées dans des groupes en fonction de leur performance (faible, moyenne ou élevée) exprimée par le revenu du travail par unité de travail. Outre leur spécialisation en production laitière et leur mode de production conventionnel, les autres critères de sélection des exploitations sont d'avoir au 4 000 l/vache, une présence de minimum 20 vaches laitières et de maximum 5 vaches viandeuses. Les produits des bovins et des cultures fourragère doit couvrir au moins 65 % de la SAU. Enfin, la part du volume de lait vendu directement à la ferme ne peut excéder 25 % et celle consommée sur la ferme ne peut dépasser 10 %. Cet échantillon d'analyse de groupes de performance diffère de l'exploitation type-spécialisée en bovins laitiers par son mode de production et les seuils de sélection mais aussi par le fait qu'une simple moyenne arithmétique des valeurs individuelles est réalisée sans pondérer en fonction de leur représentativité. Les exploitations ainsi sélectionnées ont une superficie moyenne de 76,7 ha pour 92 vaches laitières avec un rendement laitier de 6 967 l/vache. Elles sont donc en moyenne un peu plus grande que l'exploitation-type spécialisée en bovins laitiers et avec une production par vache un peu supérieure.

 

Les produits totaux par 100 litres de lait sont très similaires entre les divers groupes de performances et compris entre 67 et 68 €/100 l de lait. Si l’on se focalise uniquement sur les produits des bovins et des cultures fourragères ou uniquement sur les produits laitiers, les écarts entre groupes ne sont pas plus marqués.

Si on analyse les produits par vache, le groupe le plus performant se distingue par une production et un total des produits de l’exploitation par vache de respectivement 8 090 litres et 5 421 €. A l’opposé, le rendement laitier au sein du groupe le moins performant atteint 5 789 l/vache avec un produit de seulement 3 887 €/vache.

Les exploitations du groupe le plus performants ont une superficie totale supérieure à celle des autres groupes et, de plus, présentent une charge en bovins par unité de surface fourragère plus importante avec 1,4 vaches alors qu’elle est de 1,14 pour le groupe le moins performant. Si on prend en considération les besoins alimentaires plus élevés des vaches du groupe le plus performant vu leur niveau de production plus élevé, en exprimant la charge en UGB ‘alimentaires’ par ha de superficie fourragère, cet écart s’accentue et on calcule ainsi une charge de 3,2 UGB pour le groupe le plus performant alors qu’elle est de l’ordre de 2,2 UGB pour le groupe le moins performant.

Concernant les caractéristiques liées à la gestion du troupeau de bovins, on observe que l’âge au premier vêlage des primipares chez les plus performants est de 28 mois, soit environ 5 mois plus tôt que les moins performants chez qui cet âge atteint 33,5 mois. Le groupe de tête réforme également ses vaches un peu plus vite, à l’âge de 5,7 ans alors que le groupe le moins performant garde en moyenne ses vaches jusqu’à 6,5 ans. En revanche, on n’observe pas de différence dans les intervalles inter-vêlages.

Evolution du rendement et du prix de valorisation du lait de l'exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers

Rendement et prix de valorisation du lait selon le niveau de performance des groupes d’exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2022

Produits par 100 l de lait selon le niveau de performance des groupes d'exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2022

Produits par vache selon le niveau de performance des groupes d'exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2022

 

Les charges totales de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers sont inférieures à ses produits

Au sein des charges d’une exploitation, on peut distinguer les charges opérationnelles affectées directement liées à une activité (aliments, frais de cheptel, semences, engrais, produits phytosanitaires, travaux par tiers) et les charges de structure intégrant les dépenses réelles (fermages, assurances, frais d’entretien, frais généraux, main-d’œuvre salariée, …) et calculées (amortissements comptables, intérêts sur l’actif). On distingue des deux précédentes la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale).

En 2022, le total des charges de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers s’élève à 68,9 €/100 l de lait. Les parts des charges opérationnelles affectées et de structure sont respectivement de 38 et 35 %. Le reste, soit 28 %, concerne la rémunération du travail familial (non salarié).

Le total de ces charges montre une évolution globale à la hausse jusqu’en 2013-2014 avant de présenter une légère tendance baissière, due essentiellement à une réduction des charges opérationnelles affectées. On observe une hausse marquée de 13 % des charges de l’exploitation dont la moyenne sur les dix années précédentes était de 60,5 €/100 l de lait. Les charges de structure sont relativement stables, bien qu’elles aient augmenté depuis 2020, et atteignent 23,9 €/100 l en 2022.

Les charges de main-d’œuvre familiale restent relativement constantes, oscillant entre 18 et 19 €/100 l de lait pour ces quelques dernières années, malgré la hausse du coût horaire de la main d’oeuvre. Cela traduit une augmentation de l’efficacité de la main-d’oeuvre.

Exprimées par vache, les charges totales de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers atteignent, en 2022, 4 581 €/vache. C’est 16 % en plus que la moyenne des dix années précédentes qui est de 3 959 €/vache. Par ha de SAU, le total des charges de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers est de 4 585 €, soit environ 13 % en plus que la moyenne des dix années précédentes qui est de 4 069 €.

Evolution des charges de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

Structure des charges de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers en 2022

 

- Les charges opérationnelles affectées augmentent et retrouvent leur niveau le plus élevé depuis 10 ans

En 2022, les charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, s’élèvent à 26 €/100 l de lait dont 15,9 € pour l’alimentation des bovins. Alors qu’entre 2015 et 2020, le niveau des charges opérationnelles affectées était en moyenne proche de 20 €/100 l de lait, on observe une hausse sensible en 2022, essentiellement liée à une augmentation des charges d’alimentation des bovins.

Pour les cultures, essentiellement fourragères et avec une proportion élevée de prairies, les charges opérationnelles affectées ne sont pas le poste le plus important et représentent 3,4 €/100 l de lait.

L’exploitation spécialisée en bovins laitiers fait régulièrement appel à des tiers pour les travaux agricoles et dépense 3,1 €/100 l de lait ou 208 €/ha de SAU pour ce poste. Cela répond à un problème de rentabilité de certains matériels à l’échelle d’une exploitation mais également à un besoin de main-d’œuvre extérieure pour la réalisation de certains travaux.

Exprimées par vache, les charges opérationnelles affectées représentent 1 730 €. Parmi les charges opérationnelles affectées, les frais d’alimentation complémentaire des bovins, c'est-à-dire hors aliments provenant des cultures fourragères de l’exploitation, représentent la part principale avec 1 058 €/vache. Les frais de cheptel représentent 180 €/vache dont 90 €/vache spécifiquement pour les frais vétérinaires.

Les parts liées aux engrais minéraux, aux semences et aux produits de protection phytosanitaires sont respectivement de 163, de 53 et de 31 €/ha de SAU. Le coût des engrais a bien augmenté mais l’impact reste limité pour ces exploitations.

Evolution des charges opérationnelles affectées de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

Structure des charges opérationnelles affectées de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers en 2022

 

- Parmi les charges de structure, les charges de matériel dépassent les charges foncières depuis quelques années

Les charges de matériel représentent 10,6 €/100 l de lait, soit 43 % des charges de structure pour 2022. La hausse est de plus de 1 €/100 l de lait par rapport à 2021. Avec 8,2 €/100 l de lait en 2022, les charges liées au foncier (amortissements, intérêts, entretien, location et assurances des biens fonciers) représentent 36 % des charges de structure de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers. De 2010 à 2014, ces charges foncières étaient de l’ordre de 9 à 10 €/100 l de lait avant de redescendre au niveau actuel. Les autres types de charges qui intègrent essentiellement les frais généraux, les énergies non affectées, les intérêts sur le capital circulant et les salariés, augmentent progressivement chaque année.

Les exploitants réalisent une part des travaux avec leur propre matériel et en confient une part à des tiers. Selon les choix de gestion de l’agriculteur et de disponibilité de la main-d’œuvre, cette répartition évolue. Les charges de matériel de l’exploitation doivent donc être mises en relation avec le recours à des tiers pour les travaux agricoles dont on observe une légère hausse. La somme de ces deux types de charges donne une valeur de 13,6 €/100 l de lait pour 2022, plus que les 11,8 €/100 l de lait de moyenne au cours des dix années précédentes. Les variations annuelles sont notamment liées à la fluctuation du prix de l’énergie qui impacte directement les dépenses en combustibles de l’exploitation, et influence les tarifs de leurs prestataires de service, notamment les entrepreneurs de travaux agricoles.

Exprimée par ha de SAU, le total des charges de mécanisation, comprenant les travaux par tiers, atteint 928 €. Pour le matériel de l’exploitation, la charge en carburant, après un minimum de 55 €/ha de SAU en 2020, remonte à plus de 120 €/ha de SAU.

Evolution des charges de structure de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

Composition des charges de structure de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers en 2022

Evolution des charges de mécanisation et travaux par tiers de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers par 100 l de lait

 

- Les exploitations les plus performantes ont des charges par litre de lait produit nettement plus faibles que celles des moins performantes

Les exploitants du groupe le plus performant ont des charges totales, comprenant le travail familial, de 50 €/100 l de lait, alors que les moins performants enregistrent des charges totales de 74,6 €/100 l de lait. Les charges opérationnelles affectées sont plus faibles d’environ 3 €/100 l de lait pour les exploitations les plus performantes et ils dépensent un peu moins pour les aliments complémentaires avec un coût des concentrés par 100 litres de lait identique. La différence entre les groupes de performances se marque nettement sur les charges de structure non affectées et sur le travail familial. Les charges non affectées, hors main d’œuvre familiale, sont de 32,7 €/100 l de lait pour les moins performants alors qu’elles ne sont que 19,1 €/100 l de lait pour les plus performants. En ce qui concerne la main-d’œuvre familiale, l’écart est aussi prononcé vu que les moins performants nécessitent 18,8 €/100 l de lait de charges de salaires calculées alors que les plus performants se contentent de 10,8 €/100 l de lait.

Les charges totales par vache sont plus faibles pour les exploitations les plus performantes qui se démarquent essentiellement par une plus grande efficacité de leur main-d’œuvre familiale dont le coût est de l’ordre de 200 €/vache inférieur à celui des exploitations les moins performantes. Si l’on ne prend pas en considération cette charge salariale, les dépenses par vache sont similaires entre les groupes de performance extrêmes et proche de 3 200 €/vache. Les exploitations les plus performantes dépensent environ 300 €/vache en plus en charges opérationnelles affectées et plus spécifiquement en aliments complémentaires par vache mais environ 300 €/vache en moins pour les charges non affectées. Ceci grâce à une meilleure gestion aussi bien des charges foncières que de matériel.

Charges par 100 l de lait selon le niveau de performance des groupes d'exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2022

Charges par vache selon le niveau de performance des groupes d’exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2022

 

En 2022, les produits de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers sont suffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production

Pour comparer le total des produits et des charges de l’exploitation, on peut analyser la valeur des produits par 1 000 € de charges. Si la valeur obtenue est inférieure à 1 000 €, cela signifie que les produits de l’exploitation sont insuffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production, y compris de la main-d’œuvre familiale et de l’ensemble du capital (en considérant un fermage sur la totalité de la SAU et un intérêt sur le capital). En 2022, l’exploitation spécialisée en bovins laitiers a engrangé 1 084 € de produits pour 1 000 € de charges. En d’autres mots, l’exploitation spécialisée en bovins laitiers a, en moyenne en 2022, été en mesure de couvrir l’ensemble de ses charges réelles et calculées. C’est mieux que la moyenne des dix années précédentes qui indique 842 € de produits par 1 000 € de charges. Si la situation s’était dégradée de 2014 à 2016, le ratio s’était amélioré jusqu’en 2021 avant d’arriver en 2022 avec un niveau de produits supérieur à celui des charges.

Evolution des produits par 1 000 € de charges de l’exploitation wallonne spécialisée en bovins laitiers