Cette fiche présente l’historique de la politique agricole commune [PAC] depuis sa création jusqu’à son application actuelle. Sur une ligne du temps, elle résume les différentes réformes de cette politique depuis son origine jusqu’à ce jour. Elle aborde également l’évolution des outils juridiques et financiers dont elle s’est dotée afin d’encadrer l’agriculture et l’espace rural au sein des différents Etats membres de l’Union européenne.
A l’origine, élaborée pour assurer la souveraineté alimentaire de l’Union européenne, la PAC a évolué au fil de l’élargissement de l’Union, des attentes sociétales et du contexte économique afin de répondre aujourd’hui à de multiples enjeux, notamment environnementaux
La « Communauté économique européenne » (CEE), instituée par le traité de Rome en 1957 a pour première politique communautaire la PAC, entrée en vigueur le 30 juillet 1962. Elle concrétise l’ambition des 6 Etats fondateurs (l'Allemagne, la France, l'Italie et les trois pays du Benelux) de mettre en commun leurs moyens pour nourrir l’Europe, lui assurer sa souveraineté et son auto-suffisance alimentaires après les ravages de la guerre.
Ses objectifs initiaux sont :
- Accroître la productivité de l’agriculture ;
- Assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
- Stabiliser les marchés ;
- Garantir la sécurité des approvisionnements ;
- Assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
Initialement, la PAC reposait sur des mesures de contrôle des prix et de subventionnement visant à développer et moderniser l’agriculture, tout en respectant des principes d’unicité du marché, de solidarité financière et de préférence communautaire.
L’orientation donnée à la PAC par le traité de Rome se voulait productiviste et protectionniste. Il fallait, en effet, augmenter la production agricole des Etats, tout en rendant cette communauté auto-suffisante à l’intérieur d’une même « frontière ». Il s’agissait, outre la solidarité, de moderniser un secteur agricole encore fort contrasté selon les pays.
La PAC a été l’un des fondements de la construction de l’Union européenne [UE]. Elle a été mise en place par le biais d’une organisation commune des marchés agricoles [OCM] impliquant des règles communes en matière de concurrence et une coordination obligatoire des diverses organisations nationales pour aboutir à une organisation européenne du marché.
Suite à l’élargissement progressif de l’UE, à l’évolution de l’économie et des attentes sociétales, la PAC a fait l’objet de réformes successives résultant de compromis entre les différents Etats membres.
- Après avoir éradiqué les risques de pénurie, la PAC conduit à une augmentation de la productivité des exploitations agricoles et à une offre dépassant la demande intérieure
La PAC a permis la modernisation de l’agriculture européenne. La productivité des exploitations européennes a connu une évolution fulgurante de telle sorte que l’offre a fini par surpasser la demande. Plusieurs mesures sont prises en 1984 afin de régir cette offre et d’adapter les niveaux de production aux besoins du marché : l’établissement de quotas de production, notamment dans les secteurs laitier et sucrier, accompagné d’une politique de réduction des prix de soutien.
- La PAC passe des prix garantis aux aides directes
L’année 1986 est marquée par l’intégration de l’agriculture au sein des négociations commerciales internationales (« Uruguay round ») visant à une libéralisation accrue des marchés mondiaux. Ces négociations agricoles concernaient principalement les politiques de soutien interne à l'agriculture, les mesures d'aides à l'exportation et l'accès aux marchés.
Le cycle d'Uruguay ou Uruguay Round est le dernier (et le plus important) des cycles de négociations internationales dans le cadre du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Il a abouti aux accords de Marrakech en 1994 et a donné naissance en 1995 à l'Organisation mondiale du commerce [OMC], remplaçant le GATT en tant qu'organisation internationale. Au final, 123 pays ont participé et négocié sur tous les domaines d’échange.
Les négociations agricoles patinent dans le cadre de "l'Uruguay round" et les dysfonctionnements de la PAC sont mis à jour. Elles conduisent ainsi la Commission européenne à proposer, en 1992, la première réforme d'envergure de la PAC, réforme dite « Mac Sharry », nom du commissaire européen à l’Agriculture de l’époque, sur laquelle se base l’actuelle PAC.
Avec cette réforme, la PAC passe progressivement du soutien des marchés à l’aide au producteur. L’objectif poursuivi est d’atteindre une baisse des prix des produits agricoles pour les rendre plus compétitifs sur les marchés intérieurs et extérieurs. Cette baisse est comblée par des "montants compensatoires", c’est-à-dire des primes qui ne sont plus liées à la quantité produite, mais bien à la surface de production (établie par la déclaration de superficie rédigée annuellement par chaque producteur). Ces primes sont différentes selon les cultures et reposent sur des rendements standards établis par région agricole. Lors de cette réforme, les agriculteurs sont également encouragés à être plus respectueux de l'environnement avec l’introduction des premières mesures agro-environnementales [MAE]. De plus, afin de réguler la production, une obligation de jachères est mise en place visant à réduire la surface cultivée. Cette réforme coïncide avec le sommet de la terre de Rio de 1992, qui lance le principe de développement durable.
En 1999, l’« Agenda 2000 » est une nouvelle étape complétant la réforme de 1992. La PAC élargit son champ d’action, prenant en compte la préservation de l’environnement ainsi que le développement rural. Les aides sont de plus en plus déconnectées de la production. En effet, les prix internes s’alignent davantage sur les prix mondiaux et le manque à gagner pour les producteurs est compensé par des aides directes. Cette réforme est destinée à préparer l’arrivée de dix nouveaux Etats membres en 2004 et à rendre la PAC compatible avec les règles de l’OMC.
Les accords de Luxembourg en 2003 (réforme Fischler, du nom du commissaire européen à l’Agriculture de l’époque ou Mid Term Review), introduit le découplage des aides dans la PAC, c'est-à-dire que les aides européennes ne dépendent plus des volumes produits. Ces aides découplées sont désormais devenues un « paiement unique à l’exploitation » axé sur la stabilité des revenus. La notion de « conditionnalité » fait son apparition : les aides découplées sont versées à condition que l’agriculteur respecte les bonnes pratiques agricoles et environnementales et le bien-être animal. C’est lors de cette réforme que la fin des quotas laitiers est programmée.
- L’Europe fait face aux défis futurs et stabilise la PAC
La population agricole de l’UE est multipliée par deux à la suite des élargissements de 2004 et de 2007, avec l’arrivée de douze nouveaux pays. A présent, elle compte vingt-sept États membres et plus de 500 millions de citoyens. Le paysage agricole et rural de l’ensemble de l’Union s’en trouve transformé.
En 2008, la Commissaire européenne à l’Agriculture Mariann Fischer Boel demande un « Bilan de santé » de la PAC. Cette nouvelle étape amène des modifications devenues nécessaires pour la période 2009-2013 dans le prolongement de la réforme de 2003 : la suppression de la jachère obligatoire, l’augmentation progressive des quotas laitiers de 1 % par an jusqu’à leur disparition programmée pour 2015 et le découplage total des aides (sauf exceptions) à partir de 2010. Il s’agit d’une étape importante de rationalisation de la PAC accompagnée par une politique de gestion des risques et d’aide aux secteurs les plus fragiles. Ce bilan de santé vise à finaliser le découplage des aides en les intégrant dans un régime de paiement unique de l’exploitation agricole, à réorienter partiellement des fonds du premier pilier vers le développement rural et à assouplir les règles d’intervention publique et de contrôle de l’offre en vue d'encourager les agriculteurs à réagir aux signaux du marché.
La PAC élaborée dans le cadre de la programmation 2014-2020 vise à renforcer la compétitivité du secteur agricole, promouvoir l’agriculture durable et l’innovation, soutenir l’emploi et la croissance dans les zones rurales et orienter l’aide financière vers une utilisation productive des terres. Cette PAC va, notamment, dans le sens d'une répartition plus équilibrée des aides entre États membres, régions et agriculteurs. Elle met aussi en place des mesures de verdissement et des outils visant à renforcer l'organisation du secteur.
La réforme dite « Omnibus » consistant en certains ajustements en vue de simplifier la mise en œuvre de la PAC voit le jour en 2017. Quatre règlements relatifs à cette politique ont été modifiés : le règlement relatif aux paiements directs (certains aspects du verdissement devenant plus simples), celui relatif au développement rural (abaissement de certains seuils et taux d’aide relevés afin de rendre les mesures de gestion des risques plus attractives), celui relatif à l’organisation commune des marchés (élargissement des prérogatives des organisations de producteurs à l’ensemble des secteurs afin de renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement) et le règlement horizontal.
- Les modalités de la PAC de l’après-2020 sont adoptées
Le processus actuel d’adoption de la future PAC débute en 2018 avec la proposition initiale de la Commission européenne. Cette proposition tient compte des nouveaux défis, notamment climatiques et environnementaux tel que défini par l’accord de Paris sur le climat de 2015. Elle subit quelques modifications à la suite du Brexit, effectif au 31 janvier 2020, qui a entraîné une baisse du budget de la PAC de 3 milliards d’euros par an. Cette nouvelle PAC repose également sur la stratégie « De la ferme à la table » présentée en mai 2020 par la Commission européenne, initiative clé du pacte vert (green deal) pour l’Europe. En contribuant aux efforts déployés pour parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050, elle vise à faire évoluer le système alimentaire actuel de l’UE vers un modèle plus durable. En octobre 2020, le Conseil et le Parlement européen entament de longs mois de négociations qui ont abouti à un accord politique en juin 2021. En décembre 2021, cet accord obtient l’approbation formelle par le Conseil de l’Europe. La nouvelle PAC est lancée !
Ce processus long et fastidieux ayant pris du retard, des mesures transitoires reposant sur la programmation PAC 2014-2020 ont été adoptées pour couvrir les années 2021 et 2022.
Même si les modalités d’application de la nouvelle PAC ne seront effectives qu’en janvier 2023, le cadre financier pluriannuel couvre la période 2021-2027. Dès lors, les mesures en application durant la période de transition 2021-2022 sont donc financées à partir du budget de cette nouvelle PAC.
Un des éléments clés de cette nouvelle programmation PAC 2023-2027 est l'introduction de plans stratégiques au niveau des États membres, permettant aux gouvernements nationaux d'adapter les dispositions de la PAC aux besoins de leurs communautés agricoles, en coopération avec les autorités locales et les parties prenantes concernées. Cette politique est également la plus ambitieuse à ce jour en matière d'environnement, un quart des paiements directs étant réservés aux pratiques agricoles écologiques. En outre, c'est la première PAC à inclure une dimension sociale visant à garantir des conditions d'emploi adéquates aux travailleurs agricoles.
Afin de mettre en œuvre efficacement la PAC, l’Union européenne s’est dotée d’un budget ambitieux et d’une discipline financière rigoureuse
A l’origine en 1962, la PAC s’articulait autour d’un seul fonds : le Fonds Européen d’Orientation et de Garantie agricole [FEOGA]. En 1964, ce fonds a été scindé en deux sections : la section « Garantie » chargée de soutenir les marchés agricoles et la section « Orientation » devant contribuer au développement rural.
En 2007, le FEOGA a été scindé en deux fonds distincts, à savoir le Fonds européen agricole de garantie [FEAGA] et le Fonds européen agricole pour le Développement rural [FEADeR]. Le FEAGA finance notamment les dépenses de l’organisation commune des marchés et les paiements directs aux exploitations agricoles. Le FEADeR cofinance avec les Etats membres l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole, les mesures agroenvironnementales et encourage la diversification de l’économie rurale.
Seule politique européenne sectorielle intégrée, la PAC a bénéficié d’un budget à la hauteur des objectifs ambitieux qui lui étaient alloués. En tant que politique communautaire, la PAC est financée sur le budget annuel de l’UE. Il y a cinquante ans, la PAC représentait le plus grand poste de dépenses du budget européen (72 % du budget en 1984). En 2019, les dépenses cumulées pour l’agriculture atteignent encore 35 % du budget européen, soit environ 55 milliards d‘euros par an. En 2020, les mesures mises en place par l’Europe pour lutter contre les effets économiques de la crise de la Covid-19 ont eu pour effet de « diluer » le budget PAC au sein du budget européen. En valeur absolue, le budget de la PAC pour 2020 reste proche de l’année précédente mais sa part relative par rapport au budget total chute à 25%.
Les réformes successives se traduisent par une allocation différente des moyens budgétaires. Alors qu’en 1995, seuls 6 % des dépenses européennes de la PAC sont orientées vers le développement rural, le budget accordé à ces mesures représente en 2020 près de 14%. Le budget octroyé aux paiements directs, même s’il a toujours été le plus important, est passé de 25% à près de 40%. Entre temps, les subventions à l’exportation encore bien présentes dans les années nonantes finissent par disparaître, en conséquence de l’Uruguay round. Les mesures de soutien au marché ont également fortement diminué pour ne représenter qu’un peu plus de 2,5% en 2020.
- Un nouveau cadre financier pluriannuel est approuvé pour la période 2021-2027
A la suite de l’accord de décembre 2020 approuvant le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et l’accord interinstitutionnel en matière budgétaire, ce sont 378 532,3 millions d’euros (prix courants) qui sont mis à disposition des bénéficiaires de la PAC à partir du 1er janvier 2021. Ce montant représente 31% du budget total de l’Union. Les mesures de développement rural de la PAC bénéficieront des ressources supplémentaires du programme « Next Generation EU » (NGEU) pour financer la relance économique et sociale à la suite de la crise de la Covid-19 (8 070,5 millions d’euros). Ceci porte le montant total des engagements de la PAC pour la période 2021-2027 à 386,60 milliards d’euros.
Le budget de l’Union pour 2022 prévoit un total de 167,7 milliards d’euros de crédits d’engagement. Pour l’année 2021 (chiffres 2022 non-encore disponibles), la PAC, avec 55,71 milliards d’euros, représente 33,1% du budget de l’Union à 27. Si la part relative de la PAC dans le budget de l’Union augmente par rapport à 2020, la part réelle des dépenses agricoles dans le budget de l’UE décroît continuellement depuis plusieurs années. Alors que la PAC représentait 66% du budget total de l’Union au début des années 80, elle ne comptait plus que pour 37,8% pour la période 2014-2020 et ne représente plus que 31% pour la période 2021-2027. Depuis 1992, date de la première réforme d’envergure de la PAC et le soutien via des aides directes, les dépenses agricoles sont restées stables en terme s réels, exception faite des années 1996 et 1997 (en raison des crises de la « vache folle » et de l’adhésion de 3 nouveaux Etats membres). Le coût budgétaire de la PAC rapporté au revenu national brut (RNB) de l’Union a donc diminué de 0,54% en 1990 à 0,32% par an pour la période 2021-2027.
Depuis la réforme de la PAC de 2003, la Wallonie peut définir, dans les limites des règlements européens, les conditions de mise en pratique de la PAC
En juillet 2001, les matières agricoles sont devenues une compétence régionale. Seules les matières relatives au bien-être animal, au Fonds des calamités agricoles et au Bureau d’Intervention et de Restitution belge (BIRB) resteront dans le giron du Fédéral jusqu’à la sixième réforme de l’Etat (2012-2014).
Par conséquent, depuis la réforme de 2003, les régions belges bénéficient d’une certaine liberté de mise en place et d’exécution de la PAC, mais toujours dans les limites des décisions prises à l’échelon européen. Dans le processus décisionnel, c’est la Belgique qui est l’interlocuteur de l’Europe. Au sein d’un comité de concertation instauré au niveau fédéral, la Wallonie peut présenter et défendre ses propositions de mise en œuvre. Dans ce cadre, les régions établissent une position commune qui sera défendue auprès des instances européennes. En cas de non-accord entre les régions sur un sujet, la Belgique ne peut se positionner au niveau européen.