Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation wallonne dite professionnelle. Faisant suite à la présentation des produits et des charges des exploitations, sont analysées, en procédant par étape, les évolutions de la marge brute, de l’excédent brut et des revenus. Cette analyse repose sur l’ensemble des résultats issus du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA].
En 2023, au départ d’une marge brute de l’ordre de 1 515 €/ha de superficie agricole utilisée [SAU], l’exploitation wallonne obtient un excédent brut proche de 1 231 €/ha de SAU et un revenu agricole de 844 €/ha de SAU. Après quelques années de stabilité, ces valeurs avaient entamé une hausse à partir de 2020 pour passer par un pic en 2022 avant de retrouver des valeurs proches de l’année 2021. Toutefois, cette tendance générale cache une grande variabilité de résultats entre exploitations, liée à de nombreux éléments, dont l’orientation technico-économique [OTE], les performances de gestion, ….
En 2023, la marge brute de l’exploitation wallonne qui s’établit à 1 515 €/ha de SAU marque un recul de 300 €/ha par rapport à 2022
La marge brute traduit, au sein d'un même exercice comptable, l’efficacité avec laquelle l’exploitation génère des produits au moyen de ses charges opérationnelles affectées. En 2023, elle est de 1 515 €/ha de SAU (1 723 €/ha de SAU, travaux par tiers non compris dans les charges). Par rapport à 2022, cette baisse de la marge brute est liée à une diminution des produits uniquement, les charges opérationnelles affectées totales étant restées stables.
Les mauvais résultats de 2016 restent les pires de la décennie, les produits ayant chuté de manière plus importante que les charges, entrainant une marge brute inférieure à 1 000 €/ha de SAU (travaux par tiers inclus dans les charges). La moyenne de la marge brute des dix années précédentes s’établit à 1 223 €/ha de SAU (1 397 € /ha de SAU sans les travaux par tiers dans les charges). Derrière ces valeurs moyennes, se cache une variabilité très marquée lorsque l’on analyse les différentes OTE. Ce point est d’importance car l’exploitation wallonne est de plus en plus spécialisée.
L’évolution de l’excédent brut d’exploitation est très similaire à celle de la marge brute tout en étant marquée par la décroissance progressive des aides récurrentes
L’excédent brut d’exploitation [EBE] est le résultat de la soustraction des charges réelles de l’exploitation, hors amortissements et intérêts, au total des produits des activités (produits exceptionnels non compris) et des aides récurrentes. Il doit permettre de rémunérer la main-d’œuvre familiale et de financer les investissements. Cet EBE atteint en 2023 une valeur de 1 231 €/ha de SAU. Même s’il se réduit de 360 €/ha de SAU par rapport à 2022, c’est plus que l’excédent brut moyen des dix années précédentes qui est de 1 100 €/ha de SAU.
Son évolution suit celle de la marge brute. A la différence de cette dernière, l’EBE prend en considération les aides, les autres produits et les régularisations des années précédentes ainsi que les charges fixes réelles. Les charges fixes évoluent progressivement à la hausse, notamment ces dernières années, on observe par contre dans les produits, le paiement des indemnités "calamités agricoles" pour les sécheresses de 2018, 2020 et 2022 ainsi que les aides exceptionnelles conséquence de la guerre en Ukraine.
Calcul de l'excédent brut d'exploitation en 2023
MB = Marge brute
EBE = Excédent brut d’exploitation
MB & Prod. = Marge brute et autres produits
Charg. str. = Charges réelles de structure
MB = Marge brute
EBE = Excédent brut d’exploitation
MB & Prod. = Marge brute et autres produits
Charg. str. = Charges réelles de structure
Après un pic en 2022, les revenus de l’année 2023 reviennent à leur niveau de 2021
Le revenu du travail et capital familial, ou revenu agricole, atteint 844 €/ha de SAU soit exactement le même qu’en 2021. Il est la différence entre d’une part, la valorisation de l’ensemble des productions de l’exploitation et des autres produits, hormis les produits de nature exceptionnelle (ventes d’avoirs, …) et, d’autre part, l’ensemble des charges réelles, sauf les charges exceptionnelles. Ce montant sert à rémunérer le travail des non-salariés, c’est-à-dire les exploitants eux-mêmes, et le capital investi dans l’exploitation.
Quant au revenu du travail qui s’établit à 662 €/ha de SAU en 2023, il est le résultat économique de l’exploitation, après avoir couvert l’ensemble des charges réelles (hors main-d’œuvre) et les charges calculées sur les capitaux en propriété engagés par l’exploitant dans l’entreprise (fermages nets sur terres en propriété, intérêts sur capital d’exploitation propre). Avec ce revenu, on suppose donc que le mode de rémunération des facteurs de production (terre, capital et travail) soit le même dans toutes les exploitations. Aucune distinction n'est faite entre les fonds propres et le capital emprunté, ni entre le fait d’être ou non propriétaire et ni entre le travail non salarié et le travail salarié. Le revenu agricole est plus pertinent que le revenu du travail lorsque l’on parle de la gestion individuelle de l’exploitation tandis que le revenu du travail permet de placer les exploitations dans un référentiel commun de comparaison. Le revenu du travail facilite la comparaison entre exploitations (locataires ou propriétaires) et au fil du temps (pas d’impact des intérêts fluctuants).
Cette baisse des revenus par rapport à l’année précédente s’explique essentiellement par une baisse des produits qui avaient fortement augmenté en 2022. Les revenus de 2023 sont supérieurs à la moyenne des dix années précédentes.
- Les revenus par hectare des exploitations laitières s’élèvent à plus du double de ceux des exploitations viandeuses
La comparaison des marge brute, excédent et revenus pour les principales orientations technico-économiques [OTE] présentes en Wallonie montre des différences marquées. Pour l’année 2023, les exploitations spécialisées en bovins viandeux enregistrent des résultats moins bons que ceux des exploitations spécialisées en bovins laitiers et en grandes cultures. Ainsi, le revenu agricole atteint les 1 240 €/ha de superficie agricole utilisée [SAU] pour une exploitation laitière, alors qu’il n’est que de 530 €/ha de SAU pour une exploitation viandeuse. Le secteur de la production de viande bovine se caractérise par une rentabilité généralement inférieure à celle des autres orientations. On remarque qu’en valeur absolue, le revenu agricole de ce type d’exploitations est relativement proche de la marge brute travaux par tiers déduits. Cela signifie que les aides et autres produits représentent approximativement le même montant que les charges de structure de l’exploitation.
- Les régions majoritairement tournées vers l'élevage de bovins viandeux ont des revenus moindres
La comparaison des résultats de marge brute, excédent ou revenus par unité de SAU entre les exploitations des diverses régions agricoles montre des différences assez marquées. Très clairement, les régions à prédominance d’élevage bovin viandeux, telles que la Famenne, l’Ardenne et la région jurassique sont en retrait pour ces différents indicateurs du résultat.
Les revenus exprimés par unité de travail chutent de plus de 17 000 € par rapport à 2022
Il est intéressant de déterminer le revenu du travail par unité de travail total [UT]. Cette valeur indique la capacité de l’exploitation à rémunérer la main-d’œuvre salariée et non salariée et intègre l’évolution de la performance du travail de la main-d’œuvre. Ce revenu correspond à une rémunération brute, les charges sociales doivent encore y être prélevées. Il permet de comparer et de suivre l’évolution de la capacité des exploitations à rémunérer la main-d’œuvre en les plaçant dans des situations comparables (propriétaire ou non, taux d’intérêts fixe).
En 2023, ce revenu du travail total atteint, en moyenne, 33 286 €/UT. C’est une valeur identique à celle de 2021 mais c’est pratiquement 17 000 € en moins qu’en 2022, qui s’était démarquée par de très bons revenus .
Si l’on se penche sur la gestion individuelle de l’exploitation et que l’on ne s’intéresse qu’à la main-d’œuvre familiale, le revenu agricole est alors un indicateur plus pertinent. Il atteint en 2023 une valeur de 45 869 €/UTF. Ce montant doit, en principe, rémunérer l’unité de main-d’œuvre familiale et le capital qu’elle apporte dans l’exploitation.
- En 2023, ce sont les exploitations spécialisées en grandes cultures qui obtiennent le revenu par unité de travail le plus élevé
Les écarts observés entre les revenus exprimés par unité de surface selon les orientations technicoéconomiques [OTE] sont toujours présents lorsque le revenu est exprimé par unité de travail. L’orientation viandeuse est en retrait par rapport aux autres secteurs de production avec un revenu par unité de travail deux à trois fois inférieur. Habituellement, on relève aussi que le classement des revenus par unité de surface n’est pas le même que celui par unité de travail. Si les résultats par unité de surface sont plus élevés pour les exploitations spécialisées en bovins laitiers, ce sont les exploitations spécialisées en grande culture qui obtiennent le meilleur revenu par unité de travail. Assez logiquement, la production laitière exige, à surface égale, plus de main-d’œuvre que les grandes cultures.
- La disparité des revenus entre exploitations est importante et bien supérieure aux variations interannuelles
Derrière ces valeurs moyennes, se cache une grande disparité entre exploitations. Environ une exploitation sur six a un revenu du travail total par unité de travail négatif. Ces exploitations ne sont donc pas en mesure de fournir une rémunération au travail et au capital investi dans l’exploitation à la hauteur de celle établie pour nos calculs de charges imputées (travail familial et intérêt sur le capital investi). A l’inverse, 8,5 % des exploitations ont dégagé un revenu du travail de plus de 100 000 €/UT. La variabilité est liée à une série d’éléments dont certains sont indépendants de la bonne ou mauvaise gestion de l’exploitant dont la situation de marché pour le ou les secteurs d’activités de l’exploitation.