Cette fiche analyse la culture de la betterave sucrière selon une approche territoriale et une approche technico-économique. La première décrit la répartition des superficies de cette culture en région wallonne selon les super-régions agricoles et selon l'orientation technico-économique [OTE]. La seconde analyse les facteurs influençant la marge brute de cette culture, et ce, pour l’ensemble des producteurs, en agriculture conventionnelle, du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA] ayant au moins 1 ha de culture de betteraves sucrières. Elle présente ces éléments constituant la marge brute : les produits et les charges opérationnelles affectées à cette culture, sur l’ensemble du territoire, au sein des super-régions agricoles et de la zone orientée « grandes cultures ».
La betterave sucrière, malgré un net recul au cours des 30 dernières années, est cultivée dans 30 % des exploitations wallonnes. Il s'agit principalement d'exploitations spécialisées en grandes cultures. Dans un contexte de marché du sucre très concurrentiel, le prix obtenu pour les betteraves sucrières montre une descente régulière depuis 2012, stabilisé à un niveau relativement bas, de l’ordre de 27 à 28 €/tonne, depuis la fin de quota de production en 2017. Dans ce contexte, la marge brute de la betterave oscille autour de 1 500 €/ha ces dernières années.
Avec environ 36 500 ha, la culture de betteraves sucrières est sur la troisième marche du podium des grandes cultures derrière celle du froment et des pommes de terre
En 2021, la superficie emblavée en betteraves sucrières atteint 36 538 ha. Cette culture se retrouve dans l’assolement d’un peu moins de 30% des exploitations wallonnes et y occupe en moyenne 10 ha. Depuis 1990, les superficies semées en betteraves sucrières ont diminué de pratiquement 50 %.
- La culture de betteraves sucrières se trouve majoritairement en zone « grandes cultures »
Pour analyser l’influence des régions agricoles sur les cultures commerçables, on distingue trois « super- régions » que l’on suppose suffisamment homogènes sur le plan des techniques culturales et des résultats. Premièrement, la zone « grandes cultures » regroupant les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que la Campine hennuyère. C’est dans ces régions que les cultures commerçables sont les plus fréquentes et que l’on retrouve le plus d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Deuxièmement, la zone « herbagère » composée des régions agricoles : région herbagère liégeoise, Fagnes, Famenne, région jurassique, Ardenne et Haute Ardenne. Ces régions sont plus spécialisées en élevage, surtout bovin, et le pourcentage de prairies y est important. Finalement, la zone « Condroz » qui est une région agricole intermédiaire. Cette subdivision de la Wallonie est réalisée pour obtenir un effectif suffisant pour comparer les zones entre elles et pour réaliser des analyses de classe de performance au sein d’une zone donnée (essentiellement la zone « grandes cultures »).
82 % des producteurs de betteraves sucrières sont regroupés au sein de la zone « grandes cultures » et cultivent 80 % de la superficie agricole utilisée [SAU] consacrée à cette culture. Ils y affectent, en moyenne, 9,8 ha de leur SAU. Au sein de la zone « grandes cultures », ces producteurs ne représentent que 54 % des agriculteurs.
On retrouve 18 % de la superficie emblavée en betteraves sucrières dans le Condroz. Les « betteraviers » de cette région y consacrent, en moyenne, 11,2 ha de leur SAU.
La culture de betteraves sucrières est anecdotique en zone herbagère.
- Les exploitations spécialisées en grandes cultures gèrent presque 65 % de la superficie en betteraves sucrières
L’analyse des facteurs sur base des orientations technico-économiques [OTE] n’est effectuée que pour les exploitations dites professionnelles, c'est-à-dire dont la production brute standard totale est supérieure à 25 000 euros. Ces dernières couvrent 97 % de la superficie agricole utile [SAU] wallonne.
La culture de betteraves sucrières est presque exclusivement gérée par des exploitations professionnelles qui totalisent 36 277 ha répartis entre 3 554 exploitations. Les exploitations professionnelles spécialisées en grandes cultures et celles combinant cultures et bovins totalisent, ensemble, plus de 85 % de la SAU emblavée en betteraves sucrières. Ces exploitants représentent 78 % des producteurs. A contrario, les exploitations spécialisées en élevage de bovins (laitiers ou viandeux ou combinant les deux) ne représentent que 17,1 % des cultivateurs pour à peine plus de 10 % de la SAU emblavée par cette culture, avec environ 6 ha par exploitation.
Dans la continuité des années précédentes, 2021 se caractérise par un rendement correct, compte tenu de la canicule, mais avec un prix toujours bas
En 2021, le rendement de la culture de betteraves sucrières s’établit à 84,96 tonnes/ha. Ce rendement baisse d’environ 1,5 tonnes/ha par rapport à 2020 mais est toutefois à un niveau un peu supérieur à la moyenne des dix années antérieures (82,05 tonnes/ha), malgré des conditions plutôt froides durant la saison culturale. Depuis 2010, malgré des variations annuelles, ce rendement tend à progresser, d’en moyenne 1,1 tonne/ha par année, avec des variations exceptionnelles telles qu’observées en 2016 ou 2017. Cette évolution est notamment le fruit de la sélection variétale et de la maîtrise technique des cultivateurs.
Particularité de la culture de la betterave sucrière au niveau de l'analyse économique
Signalons que pour les années antérieures à 2021, le prix de vente déterminé prend en compte les corrections éventuelles, positives ou négatives, provenant des données des comptabilités de l'année suivante. Ces corrections sont consécutives à la période de clôture des comptabilités. En effet, à cette période, toutes les informations concernant la valorisation des betteraves sucrières de l'exercice ne sont pas encore transmises par la sucrerie. Nous enregistrons alors une correction lors de l'exercice suivant en fonction du décompte final reçu par le producteur. Ainsi, par exemple en 2013, une correction de près de 500 €/ha a été appliquée aux valeurs calculées pour la récolte 2012.
Le prix final de 2021 pour la betterave sucrière sera connu lorsque les clôtures des comptabilités 2022 seront réalisées. Pour cette raison, les graphiques des prix, des produits, de certaines charges et de marge brute sont mis en trait discontinu pour l'année 2021 et sont donc des valeurs provisoires, apportées à titre d'information. C'est pour cette raison que les différents indicateurs de rentabilité pour la culture de betteraves sucrières sont analysés pour l'année 2020.
A l’inverse du rendement, le prix de vente de la betterave sucrière, fortement lié à celui du sucre sur le marché mondial, descend régulièrement depuis 2012 pour atteindre en 2020, un prix définitif de 27,8 €/tonne. Ce prix dépassait 40 €/tonne entre 2011 et 2013. Pour l’année 2021, on observe une valeur provisoire de 27,2 €/tonne. Ce qui laisse présager un prix définitif[1] de 2021 un peu supérieur à celui de 2020.
[1] intégrant les corrections récupérées dans les données comptables de 2021
- Le différentiel entre le Condroz et la zone « grandes cultures » se marque au niveau des rendements et au niveau du prix
En 2020, la différence observée au niveau des rendements entre ces deux super-régions est supérieure à 11 tonnes/ha. En outre, la richesse des betteraves sucrières de la zone « grandes cultures » étant légèrement supérieure, elle permet aux producteurs d’obtenir un prix de vente un peu plus élevé, de l’ordre de 2 €/tonne.
En 2021, la différence entre les super-régions semble légèrement moindre. En effet, en 2021, le rendement moyen de la culture de betteraves sucrières pour les producteurs dans le Condroz est de l’ordre de 77 tonnes/ha alors qu’il grimpe à 86,6 tonnes/ha pour la zone « grandes cultures ».
Etant donné la quasi-absence de culture de betteraves sucrières dans la zone herbagère, il est impossible d’y calculer une moyenne représentative.
En 2020, si l’on compare les cultivateurs de la zone « grandes cultures » au niveau de leur performance dans l’obtention d’une marge brute élevée, on observe que les producteurs les plus performants, c’est-à-dire les agriculteurs constituant le quartile supérieur, atteignent des rendements de plus de 94,76 tonnes/ha, valorisés à un prix de 30,9 €/tonne. A l’opposé, les moins performants plafonnent avec un rendement de moins de 78,4 tonnes/ha qu’ils valorisent à seulement 27 €/tonne. Les écarts de rendement entre les classes de performance observés en 2020 indiquent une hétérogénéité assez élevée liée à la sècheresse printanière de 2020.
De 2012 à 2020, le produit des betteraves sucrières a perdu 39 %
En 2020, le produit de la culture de betteraves sucrières s’établit à 2 404 €/ha. La moyenne des dix années précédentes est de 2 854 €/ha, et est passé par des maximums en 2011 et 2012 avec des valeurs supérieures à 3 700 €/ha. Si les rendements progressent lentement au fil des années, ils ne compensent pas la chute de prix observée durant cette décennie.
En 2021, le produit provisoire de la culture de betteraves sucrières s’établit à 2 312 €/ha.
- Les producteurs les moins performants de la zone « grandes cultures » ont un produit total aux producteurs condruziens
La comparaison entre les producteurs situés dans la zone « grandes cultures » et ceux du Condroz révèle un différentiel de 430 €/ha de produit pour la culture de betteraves sucrières en 2020. Le produit total de cette culture atteint 2 058 €/ha dans le Condroz et 2 491 €/ha dans la zone « grandes cultures ». Les données provisoires de 2021 montrent un différentiel entre ces deux zones de l’ordre de 450 €/ha.
Si l’on compare les performances des « betteraviers » au sein de la zone « grandes cultures », on relève un différentiel de produit de 805 €/ha entre les groupes extrêmes. Ainsi, les producteurs les moins performants, avec un rendement plus faible, se contentent d’un produit de 2 118 €/ha alors que les plus performants obtiennent un produit de 2 924 €/ha. Les producteurs les moins performants de la zone « grandes cultures » obtiennent un produit à peine supérieur à la moyenne des agriculteurs condruziens. Les résultats provisoires de 2021 montrent des écarts de l’ordre de 865 €/ha entre ces groupes de performances.
Le total des charges opérationnelles affectées est resté très stable au cours de la décennie
En 2020, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, pour la culture de betteraves sucrières s’élèvent à 883 €/ha, très proches de la moyenne de 2010 à 2019 de 864 €/ha. En 2021, les charges opérationnelles provisoires, bien que les corrections du décompte final seront limitées pour ce poste, s’élèvent à 883 €/ha. Ces charges opérationnelles affectées ont augmenté de 2010 à 2013, pour ensuite, se stabiliser entre 850 à un peu plus de 900 €/ha. La charge en pesticides est le poste le plus important en 2020 et représente environ 40 %, suivi de l’achat de semences avec 33 % et enfin d’engrais avec 26 %.
La valeur de ces diverses charges a évolué différemment dans le temps, et a donc influencé leur importance relative. Ainsi en 2010, les charges en semence et engrais étaient pratiquement équivalentes et nettement supérieures aux achats de pesticides qui ne représentaient alors que 28 % des charges opérationnelles affectées (hors travaux par tiers). Le coût des semences a augmenté de façon lente et continue lors de la dernière décennie, alors que celui des pesticides a connu deux fortes augmentations, au début de la décennie et en 2020 après une période de stabilisation. Les engrais ont aussi enregistré une forte hausse au début des années 2010, compensée par baisse constante depuis 2013. La culture de betteraves étant une tête de rotation, est relativement exigeante en fertilisation, notamment potassique. L’achat d’engrais est de 226 €/ha en 2020. Ce poste n’a pas présenté d’évolution grâce aux prix des fertilisants resté constant. La fertilisation azotée pour les betteraves est de l’ordre de 135 unités/ha au cours des dix dernières années. Les apports de phosphore sont de l’ordre de 35 unités/ha et ceux de potassium atteignent 145 unités/ha.
A titre informatif, le montant dépensé pour les travaux par tiers était de 362 €/ha, valeur égale à la moyenne de 2010 à 2019 qui est de 363 €/ha.
- Les cultivateurs les plus performants au sein de la zone "grandes cultures" ont des charges plus élevées
En 2020, le montant des charges opérationnelles affectées de la culture de betteraves sucrières des producteurs condruziens et celui des producteurs de la zone « grandes cultures » ne présentent pas de différence significative. Les données provisoires de 2021 semblent conduire à la même conclusion.
Par contre, au sein même de la zone « grandes cultures », les agriculteurs les plus performants dépensent environ 120 €/ha en moins en charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, que les moins performants. Les plus performants parviennent à économiser 75 €/ha sur les pesticides et 35 €/ha sur les engrais. L’écart apparaît nettement moins prononcé en 2021.
La marge brute pour la culture de betteraves sucrières en 2020 reste à un niveau relativement bas
En 2020, la marge brute de la culture de betteraves sucrières atteint 1 521 €/ha, les travaux par tiers n’étant pas compris dans les charges opérationnelles affectées. C’est un résultat en net retrait par rapport à la moyenne des dix années précédentes qui atteint pratiquement les 1 990 €/ha. Sur base des données provisoires de 2021, compte tenu de la hausse du prix du sucre et de charges pratiquement inchangées, la marge brute de la betterave sera sans doute en très légère hausse.
Si l’on considère la marge brute, en tenant compte des travaux par tiers, sa valeur tombe à 1 159 €/ha, en 2020. Depuis 2018, cette marge brute est inférieure à celle de la culture de froment d’hiver, de chicorées, de pommes de terre et même de l’épeautre.
- Les producteurs les plus performants dégagent une marge brute pratiquement double que celle obtenue par les moins performants, au sein de la zone « grandes cultures »
En 2020, la marge brute de la culture de betteraves sucrières au sein de la zone « grandes cultures » atteint 1 605 €/ha, soit pratiquement 410 €/ha en plus que dans le Condroz. Les charges étant similaires dans les deux zones, c’est essentiellement la différence de rendement qui explique cet écart.
Au sein de la zone « grandes cultures », les producteurs les plus performants dégagent une marge brute de 2 102 €/ha, alors que les moins performants peinent à atteindre 1 176 €/ha. Si on intègre les travaux par tiers, ces valeurs tombent respectivement à 1 698 €/ha et 891 €/ha. Sachant que cette marge doit couvrir les charges non affectées, pour ces dernières exploitations, le revenu agricole de la betterave se limitera à une valeur proche des aides du premier pilier octroyées dans le cadre de la politique agricole commune [PAC].