Cette fiche analyse la culture de la pomme de terre selon une approche territoriale et une approche technico-économique. La première décrit la répartition des superficies de cette culture en région wallonne selon la super-région et selon l'orientation technico-économique [OTE]. La seconde analyse les facteurs influençant la marge brute de cette culture, et ce, pour l’ensemble des producteurs, en agriculture conventionnelle, du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA] ayant au moins 1 ha de culture de pommes de terre. Elle présente les différents éléments constituant la marge brute : les produits et les charges opérationnelles affectées à cette culture, sur l’ensemble du territoire et de la zone orientée « grandes cultures ».
La superficie consacrée à la culture de pommes de terre de conservation, régulièrement produites sous contrat, reste sous la barre des 40 000 ha en 2022. Deux tiers des producteurs professionnels de pommes de terre sont regroupés au sein d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Comme c’est souvent le cas pour cette culture, on observe une corrélation inverse entre le rendement et le prix, pour cette année 2022 avec un rendement mitigé mais un prix en hausse. De leur côté, les charges opérationnelles affectées évoluent différemment selon leur type. La baisse des dépenses en pesticides par rapport à l’année 2021 est totalement annulée par la hausse des charges en fertilisation alors que le coût des plants ne cesse d’augmenter.
La superficie emblavée en pommes de terre de conservation reste en dessous de 40 000 ha en 2022
Avec 39 713 ha en 2022, la culture de pommes de terre de conservation, qu’elles soient mi-hâtives ou tardives, reste sous la barre des 40 000 ha tout comme en 2021 alors qu’elle dépassait ce seuil de 2018 à 2020.. On retrouve cette culture dans l’assolement de 4 185 agriculteurs avec une superficie moyenne de 9,5 ha par exploitation. Une grande particularité de cette culture est qu’elle est régulièrement produite sous contrat avec un agriculteur spécialisé assurant tous les travaux depuis la plantation jusqu’à la récolte. En conséquence, le nombre de producteurs « réels » de pommes de terre est nettement inférieur à ce nombre.
A titre informatif, outre les pommes de terre de conservation, en 2022, les plants de pommes de terre occupaient 1 039 ha et les pommes de terre hâtives à peine 144 ha.
- Plus de 80 % de la superficie emblavée en pommes de terre est située dans la zone « grandes cultures »
Pour analyser l’influence des régions agricoles sur les cultures commerçables, on distingue trois « super- régions » que l’on suppose suffisamment homogènes sur le plan des techniques culturales et des résultats. Premièrement, la zone « grandes cultures » regroupant les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que la Campine hennuyère. C’est dans ces régions que les cultures commerçables sont les plus fréquentes et que l’on retrouve le plus d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Deuxièmement, la zone « herbagère » composée des régions agricoles : région herbagère, Fagnes, Famenne, région jurassique, Ardenne et Haute Ardenne. Ces régions sont plus spécialisées en élevage, surtout bovin, et le pourcentage de prairies y est important. Finalement, la zone « Condroz » qui est une région agricole intermédiaire. Cette subdivision de la Wallonie est réalisée pour obtenir un effectif suffisant pour comparer les zones entre elles et pour réaliser des analyses de classe de performance au sein d’une zone donnée (essentiellement la zone « grandes cultures »).
81 % de la surface se situent en zone « grandes cultures » et les exploitants de cette zone y consacrent en moyenne 10 ha. A contrario, moins de 17 % de la surface sont cultivés dans le Condroz sur des surfaces moyennes par exploitation de 11 ha. On retrouve alors à peine 2 % de la surface dans la zone « herbagère » avec 2,6 ha par exploitation.
Nombre d'exploitations professionnelles produisant de la pomme de terre de conservation et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2022
Nombre d'exploitations professionnelles produisant de la pomme de terre de conservation et superficies moyennes consacrées à cette culture selon la super-région en 2022
- Plus de deux tiers de la superficie emblavée en pommes de terre se retrouve dans l’assolement d’exploitations spécialisées en grandes cultures
L’analyse des facteurs sur base des orientations technico-économiques [OTE] n’est effectuée que pour les exploitations dites professionnelles, c'est-à-dire dont la production brute standard totale est supérieure à 25 000 euros. Ces dernières couvrent 97 % de la superficie agricole utile [SAU] wallonne.
En 2022, 39 561 ha de pommes de terre sont gérés au sein de 4 064 exploitations professionnelles. Près de 69 % de cette superficie (27 133 ha) se retrouvent au sein des exploitations spécialisées en grandes cultures. Elles regroupent plus de 56 % des producteurs de pommes de terre et en moyenne, ils y consacrent 11,9 ha. 19 % de la superficie en pommes de terre se retrouvent dans l’assolement des exploitations combinant cultures et bovins. A contrario, les exploitations spécialisées en bovins (lait, viande ou combinant les deux) gèrent moins de 8 % de la superficie totale dédiée à cette culture.
L’année 2022 se caractérise par un rendement mitigé et de bons prix
En 2022, le rendement des pommes de terre atteint 40,1 t/ha, à un niveau inférieur à la moyenne des dix années précédentes (43,6 t/ha).
Comme c’est souvent le cas, un rendement limité entraine une hausse des prix, ce qui se confirme en 2022. Le prix moyen observé au sein du réseau comptable de la DAEA enregistre une valeur de 177 €/tonne. C’est une valeur nettement plus élevée que la moyenne des dix années précédentes qui est de l’ordre de 125 €/tonne.
Les conditions de commercialisation des pommes de terre sont variées que ce soit au niveau de la fixation du prix (libre ou contrat) ou au niveau de l’acheteur (vente directe, industrie de transformation, marché du frais…). Ceci entraîne une variabilité du prix entre les exploitations, nettement plus marquée que pour les autres cultures commerçables.
- Le différentiel de rendement, entre les planteurs les plus performants et les moins performants, dans la zone « grandes cultures », dépasse 8 tonnes/ha
Pour la zone « grandes cultures », le rendement moyen de la culture de pomme de terre de conservation s’établit à 40,8 t/ha alors qu’il se situe à 35,3 t/ha dans le Condroz. Le nombre restreint d’observations disponibles au sein du réseau comptable de la DAEA, pour la zone « herbagère », n’autorise pas le calcul du rendement moyen représentatif pour cette zone.
Par contre, une comparaison est possible au sein de la zone « grandes cultures » entre les agriculteurs les plus et les moins performants au niveau de leur marge brute. En 2022, on observe que les producteurs les plus performants, composé du quartile supérieur, atteignent non seulement des rendements de 43,98 t/ha mais vendent leur production à un prix plus intéressant de 210 €/t. A l’opposé, les exploitants les moins performants plafonnent avec un rendement de 35,78 t/ha qu’ils valorisent à 146 €/t.
Rendement de la culture de la pomme de terre de conservation et prix de vente de son tubercule selon le niveau de performance des exploitations de la zone "grandes cultures"en 2022
Rendement de la culture de la pomme de terre de conservation et prix de vente de son tubercule selon le niveau de performance des exploitations de la zone "grandes cultures"en 2022
L’année 2022 est plutôt une bonne année pour la culture de pommes de terre de conservation
En 2022, la compensation d’un rendement mitigé par de bons prix, conduit à un produit de la culture de pommes de terre de 7 112 €/ha. Cette valeur est environ 1 800 €/ha supérieure à la moyenne des dix années précédentes (5 350 €/ha). De 2010 à 2022, on observe de fortes variations du produit des pommes de terre allant de 3 000 à plus de 7 000 €/ha.
- 4 000 €/ha, c’est la différence de produit entre les planteurs les plus performants et les moins performants de la zone ‘grandes cultures’
Si l’on compare les performances des producteurs de pommes de terre pour la zone « grandes cultures », on relève un différentiel de produit de près de 4 000 €/ha entre les groupes extrêmes. Ainsi, les planteurs les moins performants, avec un rendement et surtout un prix de vente plus limité, se contentent d’un produit de 5 223 €/ha alors que les plus performants dépassent les 9 217 €/ha.
Produit (principal) de la culture de la pomme de terre de conservation de la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Produit (principal) de la culture de la pomme de terre de conservation de la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Le total des charges opérationnelles affectées augmente progressivement, la hausse des coûts de fertilisation masque totalement la baisse des dépenses en pesticide
La culture de pommes de terre enregistre des produits élevés à mettre en regard avec les charges liées à cette culture. En 2022, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, pour la culture de pommes de terre s’élèvent à 2 448 €/ha, alors que la moyenne des dix années précédentes est de l’ordre de 1 824 €/ha. Ces charges opérationnelles affectées montrent une augmentation continue avec des variations annuelles importantes liées à l’usage des pesticides en fonction des conditions culturales. En 2022, l’achat de plants reste le poste le plus important et représente environ 43 % des charges opérationnelles affectées. Le poste des dépenses en engrais est celui qui augmente le plus et devient le second en importance avec 30% de part des charges opérationnelles affectées. Enfin les dépenses en pesticides, habituellement second poste en importance, voit sa part chuter à 25 % en 2022.
L’achat de plants est la charge qui a connu la plus forte augmentation au cours des dernières années, passant d’une moyenne de l’ordre de 600 €/ha à plus de 1 000 €/ha. Le choix variétal influence sensiblement le coût des plants. On enregistre une différence importante entre les variétés libres de droits (Bintje, Charlotte, …) et les variétés dites « protégées » (Fontane, Challenger, Innovator, …). Ces dernières étaient minoritaires il y a 10 ans et concernent aujourd’hui plus de 75 % des superficies alors que la Bintje est sous la barre des 10 %. Les sources d’approvisionnement et la disponibilité des plants sont très variables également. Selon les informations de la FIWAP, plus de 55 % des producteurs se fournissent en plants via leur contractant.
La protection phytosanitaire est bien évidemment une charge très importante pour cette culture sensible aux attaques de mildiou. Cette charge, dépendante des conditions météorologiques, s’élève à moins de 500 €/ha les années avec une faible pression en mildiou et était montée à plus de 900 €/ha en 2021. En 2022, la sécheresse a permis de limiter le nombre de traitement et on observe un coût moyen de 600 €/ha.
La culture de pommes de terre est relativement exigeante en fertilisation, notamment potassique. Ce poste qui était resté relativement stable a connu une forte hausse en 2022. La fertilisation azotée pour les pommes de terre est de l’ordre de 175 unités/ha au cours des dix dernières années. Les apports de phosphore sont de l’ordre de 35 unités/ha et ceux de potassium atteignent 240 unités/ha. En 2022, pour tenter de réduire l’impact de la hausse du cours des engrais, la fertilisation azotée a été réduite à 155 unités/ha et celle de potassium à 230 unités/ha.
A titre informatif, le montant dépensé pour les travaux par tiers était de 391 €/ha en 2022.
- Le total des charges opérationnelles affectées est similaire entre les groupes de performance
Habituellement, pour la culture de pommes de terre, on observe que les agriculteurs avec la meilleure marge brute se distinguent par des charges d’intrants plus élevées. Toutefois, en 2022, cette différence est peu marquée. On relève simplement que le groupe des producteurs les plus performants a des charges en pesticides un peu plus élevées mais des charges de plants légèrement inférieures que leurs collègues moins performants.
Charges opérationnelles affectées à la culture de la pomme de terre de conservation dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Charges opérationnelles affectées à la culture de la pomme de terre de conservation dans la zone "grandes cultures" selon le niveau de performance des exploitations en 2022
Avec environ 4 660 €/ha de marge brute, l’année 2022 enregistre un très bon résultat
En 2022, la marge brute de la culture de pommes de terre atteint 4 664 €/ha, les travaux par tiers n’étant pas compris dans les charges opérationnelles affectées. C’est un résultat en hausse par rapport à la moyenne des dix années précédentes qui s’établit à 3 526 €/ha.
La marge brute avec les travaux par tiers compris dans les charges opérationnelles affectées s’établit à 4 273 €/ha en 2022.
En comparant cette marge brute à celles d’autres cultures rencontrées couramment en Wallonie, telles que les céréales et les betteraves sucrières, on peut considérer qu’il s’agit d’une valeur tout à fait satisfaisante. Il est donc tentant de penser que la pomme de terre est une culture bien rémunératrice. Il faut, cependant, garder à l’esprit plusieurs éléments qui impacteront le résultat final de la culture.
Premièrement, la culture de pommes de terre exige une part des charges non affectées proportionnellement plus importante que pour les autres grandes cultures courantes. Pour certains producteurs, des infrastructures de stockage sont nécessaires. Et, si bien souvent une partie des opérations culturales est confiée à un tiers, le producteur dispose d’une partie de matériel, parfois spécifique à cette culture tel qu’une planteuse, butteuse, etc. Tous ces éléments représentent un coût non négligeable qui pèse bien évidemment dans le revenu final dégagé par la culture.
Deuxièmement, de nombreux cultivateurs louent des terres à d’autres agriculteurs pour y implanter la culture. En observant les montants reçus par les agriculteurs qui ont des pommes de terre en contrat dans leur assolement, on relève une moyenne du montant de cette location de l’ordre de 1 500 €/ha, avec une variation de 1 000 à près de 1 900 €/ha.
- L’écart de marge brute atteint presque 4 000 €/ha entre les producteurs les plus et les moins performants au sein de la zone « grandes cultures »
Les charges opérationnelles affectées étant assez similaires entre les groupes de performance, les écarts de marge brute sont du même ordre de grandeur que la différence de produit. Ainsi la marge brute du groupe de producteurs les plus performants atteint 6 726 €/ha contre 2 751 €/ha pour les moins performants.