Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation spécialisée en grandes cultures, en Wallonie, en détaillant la structure des produits et des charges, sur base des données provenant du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole [DAEA].
En 2023, les produits par unité de superficie agricole utilisée [SAU] sont en baisse alors que les charges ont poursuivi leur hausse. Malgré cela, le ratio entre les produits et les charges totales reste juste supérieur à 1, ce qui signifie que l’exploitation spécialisée en grandes cultures a, en moyenne, des produits en suffisance pour couvrir l’ensemble des charges réelles et calculées.
Les produits de l’exploitation spécialisée en grandes cultures enregistrent une baisse de l’ordre de 350 €/ha de SAU par rapport à l’année précédente
Les produits d’une exploitation contiennent la valorisation des productions et des services agricoles, les recettes des autres activités lucratives, les régularisations et également les aides. La valorisation des productions englobe les ventes mais également la valorisation des stocks (cultures ou animaux) et de l’intra-consommation.
Pour l’année 2023, la somme des produits de l’exploitation spécialisée en grandes cultures atteint une valeur de 3 104 €/ha de SAU, aides comprises. Les produits des cultures commerçables représentent 77 % du total. Les produits des herbivores et cultures fourragères représentent seulement 6 %. Le solde provient des autres activités lucratives, des granivores et bien évidemment des aides.
La dernière décennie a été marquée, en 2016, par de très mauvais rendements et prix pour les céréales et les betteraves sucrières et à l’inverse de bons prix en 2022.
Parmi ces produits, les aides présentent une tendance générale à la baisse, entre autres liée à la discipline financière et à la convergence externe (entre Etats membres) impliquant une enveloppe qui se réduit un peu chaque année. Au début de la programmation 2007-2013, pour les exploitations spécialisées en grandes cultures du réseau comptable de la DAEA, le montant était de l’ordre de 460 €/ha de SAU. Lors de la PAC suivante, le montant tournait autour des 360 €/ha. En 2023, le montant moyen reçu, comprenant les montants des primes du premier et du deuxième pilier, est de l’ordre de 285 €/ha de SAU. Il est en baisse assez marquée suite à la réforme de la PAC avec la mise en place des Eco-régimes.
Impact des Eco-Régimes sur les aides
La réduction des aides totales est en grande partie due au remplacement du paiement vert par les Eco-Régimes dans le cadre de la réforme de la PAC 2023-2027. Tandis que le paiement vert représentait en moyenne 7 100 € par exploitation spécialisée en grandes cultures, les Eco-Régimes atteignent désormais près de 3 100 € par exploitation, marquant ainsi une baisse significative. En effet, l’Eco-régime prairies permanentes conditionnée à la charge en bétail n’est pas facilement accessible à ces exploitations. C’est surtout l’Eco-Régime Couverture longue du sol qui a été activé, pour leur permettre de remplir les exigences en matière d’érosion.
Eco-Régime de l'exploitation spécialisée en bovins viandeux en production biologiquegrandes cultures par exploitation
Couverture longue du sol | Cultures favorables à l'environnement | Prairies permanentes conditionnée à la charge en bétail | Mailage | Réduction d'intrants | TOTAL | |
Exploitations wallonnes professionnelles* | 2 579 € | 470 € | 2 598 € | 628 € | 87 € | 6 361 € |
Exploitations spécialisées en grandes cultures | 2 115 € | 437 € | 168 € | 254 € | 165 € | 3 138 € |
Attention : cet encart concerne l’ensemble des exploitations wallonnes et pas seulement les exploitations du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole.
Parallèlement, les « autres produits » provenant, par exemple, des autres activités lucratives telles que la prestation de service pour tiers et l’agritourisme se sont développés. Dans cette catégorie de produits, sont comprises également, en tant que régularisation des exercices précédents, les indemnités « calamités agricoles », pour les sècheresses 2018 et 2020, et perçues par exemple en 2021 et 2022.
Les charges totales de l’exploitation spécialisée en grandes cultures ont poursuivi la hausse et dépassent les 3 070 €/ha de SAU
Au sein des charges d’une exploitation, on peut distinguer les charges opérationnelles affectées directement liées à une activité (semences, engrais, produits phytosanitaires, aliments, frais de cheptel) et les charges de structure intégrant les dépenses réelles (fermages, assurances, frais d’entretien, frais généraux, main-d’œuvre salariée, …) et calculées (amortissements comptables, intérêts sur l’actif). On distingue des deux précédentes la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale).
En 2023, le total des charges de l’exploitation spécialisée en grandes cultures s’élève à 3 073 €/ha de SAU. Les parts des charges opérationnelles affectées et de structure sont respectivement de 35 et 43 %. Le reste, soit 22 % concerne la rémunération du travail familial (non salarié).
Le total de ces charges montre une évolution globale à la hausse jusqu’en 2014 avant de se stabiliser, voire de baisser légèrement essentiellement grâce à une réduction des charges opérationnelles affectées. En 2022 et 2023, le total des charges augmente d’environ 200 €/ha de SAU chaque année. Les charges de structure enregistrent une hausse plus régulière mais relativement importante, passant de quelques 950 €/ha de SAU au début de la décennie à 1 320 €/ha de SAU en 2022 et 2023.
- Alors qu’elles étaient déjà très élevées en 2022, les charges opérationnelles affectées augmentent encore en 2023
En 2023, les charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en grandes cultures, s’élèvent à 1 080 €/ha de SAU, alors que la moyenne des dix années précédentes est de l’ordre de 870 €/ha de SAU. La hausse est donc bien marquée depuis 2020 ou l’on était à environ 750 €/ha de SAU. Avant l’année 2022, les charges liées aux semences, aux engrais, aux produits phytosanitaires avaient un poids relativement similaire. En 2022, les charges en engrais font plus que doubler et expliquent pratiquement à elles seules la hausse de ces charges. En 2023, le coût des engrais baisse très légèrement, suite à la diminution des prix mais les dépenses en produits phyosanitaires augmentent vu les prix en augmentation en 2023, la météo, relativement sèche, n’ayant pas entrainé de plus nombreux passages.
L’exploitation spécialisée en grandes cultures fait appel à des tiers pour les travaux agricoles pour un montant de 218 €/ha. Ce poste est habituellement le plus important parmi les charges opérationnelles affectées sauf ces deux dernières années où il s’est fait devancer par les engrais. Ce recours à du travail par tiers répond à un problème de rentabilité de certains matériels à l’échelle d’une exploitation mais également à un besoin de main-d’œuvre extérieure pour la réalisation de certains travaux.
Les frais de cheptel sont peu élevés étant donné la faible importance de l’activité d’élevage de ce type d’exploitation.
- Parmi les charges de structure, les charges foncières et les charges de matériel font jeu égal
Les charges de matériel représentent 540 €/ha de SAU, soit 41 % des charges de structure pour 2023. Avec une valeur de 505 €/ha de SAU en 2023, les charges liées au foncier (amortissements, intérêts, entretien, location et assurances des biens fonciers) représentent 38 % des charges de structure. De 420 €/ha de SAU en 2010, elles vont augmenter et dépasser les 550 €/ha de SAU en 2014, avant de redescendre au niveau actuel. Les autres types de charges qui intègrent essentiellement les frais généraux, les énergies non affectées, les intérêts sur le capital circulant et les salariés, augmentent progressivement chaque année.
Les exploitants réalisent une part des travaux avec leur propre matériel et en confient une part à des tiers. Selon les choix de gestion de l’agriculteur et de disponibilité de la main-d’œuvre, cette répartition évolue. Les charges de matériel de l’exploitation doivent donc être mises en relation avec le recours à des tiers pour les travaux agricoles (affectés et non affectés) dont on observe une légère hausse. La somme de ces deux types de charges donne une valeur de 786 €/ha de SAU alors que la moyenne des dix années précédentes est de l’ordre de 692 €/ha de SAU. Les variations annuelles sont notamment liées à la fluctuation du prix de l’énergie qui impacte directement les dépenses en combustibles de l’exploitation, et influence les tarifs de leurs prestataires de service, notamment les entrepreneurs de travaux agricoles. Pour le matériel de l’exploitation, la charge en carburant, après un minimum de 42,2 €/ha de SAU en 2020, remonte à plus de 95 €/ha de SAU en 2022.
Le volume des produits est suffisant pour couvrir l’ensemble des charges de l’exploitation spécialisée en grandes cultures
Pour comparer le total des produits et des charges de l’exploitation, on peut analyser la valeur des produits par 1 000 € de charges. Ces produits intègrent le solde TVA pour les exploitants qui ne sont pas dans le système TVA normal et les quelques rares produits hors solde. Si la valeur obtenue est inférieure à 1 000 €, cela signifie que les produits de l’exploitation sont insuffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production, y compris de la main-d’œuvre familiale et de l’ensemble du capital (en considérant un fermage sur la totalité de la SAU et un intérêt sur le capital).
En 2023, l’exploitation spécialisée en grandes cultures a engrangé 1 019 € de produits pour 1 000 € de charges. C’est similaire à la moyenne des dix années précédentes qui indique 1 009 € de produits par 1 000 € de charges. En d’autres mots, l’exploitation spécialisée en grandes cultures est en moyenne, tout juste en mesure de couvrir l’ensemble de ses charges (réelles et calculées). Si la situation s’est dégradée de 2014 à 2016, les années 2020 à 2023 retrouvent une valeur plus proche de celles observées début 2010, l’année 2022 étant la meilleure.