Cette fiche présente l’évolution des prix à la production (prix reçus) et des prix des moyens de production (prix payés) pour le secteur agricole belge. Les indices des prix agricoles (IPA) servent avant tout à l'analyse de l'évolution des prix. Ils sont établis pour la Belgique et sont basés sur l’année 2015.

L’année 2022 se caractérise par l’année de tous les records avec une flambée au niveau des prix quel que soit les facteurs étudiés.  L’année 2022, comme l’année 2021, est également marquée par une hausse historique de l’indice des prix des engrais, qui suit l’augmentation du prix de l’énergie.

L’indice des prix est en nette hausse en 2022

L’indice global des prix reçus en 2022 est en hausse comparativement à l’année précédente (156,46 contre 124,14 en 2021). Cette augmentation masque des évolutions divergentes selon les types de productions. Cependant, la tendance à la hausse en 2022 est équivalente pour toutes les productions. Ces dernières atteignent leur niveau le plus haut depuis 2001. Ce sont les animaux et produits animaux qui augmentent le plus avec une hausse spectaculaire. Les productions agricoles végétales ne sont pas en reste avec un indice qui a doublé en deux ans. Il s’agit de la plus forte progression observée.

Variation des indices des prix agricoles et horticoles en Belgique

 

- L’indice des prix des produits végétaux issus de l’agriculture est notamment marqué par les prix très fluctuants des pommes de terre

Les pommes de terre peuvent être commercialisées sur deux types de marché : le marché libre, régi par la loi de l’offre et de la demande, et le marché à terme, qui repose sur des contrats négociés entre producteurs et transformateurs. Seul le prix sur le marché libre est abordé ici. Il existe un lien entre l’évolution des prix à la production et l’évolution de la production des pommes de terre de conservation. Lorsque l’on enregistre des prix hauts une année, les producteurs escomptant un bon revenu de cette culture tâchent d’accroître la superficie qu’ils vont mettre en culture l’année qui suit. Si les rendements sont bons, la production sera élevée et le jeu du marché libre aura pour effet des prix à la baisse. En revanche si les rendements sont faibles, la production ne sera pas plus élevée voire même baissera ce qui maintiendra des prix élevés. Cette relation implique de fortes variations annuelles du prix des pommes de terre. Le marché libre ne concerne que les pommes de terre de conservation destinées à l’industrie. Pour le marché du frais ou pour la filière chips, le marché est très majoritairement contractuel. Généralement, pour cette culture, on observe une corrélation inverse entre le rendement et le prix et cela se confirme en 2022 avec un prix en hausse et un rendement en baisse.   Depuis 2001, l’indice des prix pour les pommes de terre n’avait jamais été aussi haut (228).

Le prix des betteraves sucrières, qui a une tendance plutôt baissière depuis de nombreuses années, continue sa hausse entamée en  2021. Pour la première fois depuis 2016, l’indice repasse au-dessus de la  base 100. Au cours des années qui ont suivi la suppression des quotas en 2017, le marché mondial a été confronté à un important excédent de sucre, entraînant une forte baisse des prix ce qui a influencé les prix à l’échelon européen. En effet, le prix belge de la betterave et le prix européen de sucre blanc (c'est-à-dire les produits en vrac des raffineries de sucre) sont fortement corrélés. Il existe néanmoins un retard en raison du temps écoulé entre la récolte des betteraves et la vente du sucre produit. En 2022, les producteurs de betteraves sont parvenus à négocier avec les raffineries des prix minimums plus élevés que ceux des années précédentes. De plus, le prix du sucre qui sert, en partie, de référence pour la fixation des prix au producteur est en hausse sur les marchés.

Le prix des céréales dépend principalement de celui du froment car il représente 59 % de la superficie céréalière belge en 2022. Depuis 2019, l’indice des céréales progresse, permettant à ce dernier d’atteindre, en 2022, son niveau le plus haut depuis 2001. Une contraction de l’offre fin 2021 avait déjà conduit à une première remontée de prix. Celle-ci s’est ensuite accentuée en mars 2022 avec le début du conflit en Ukraine qui s’ajoute à la hausse des coûts de production.

Variation de quelques indices des prix de productions végétales en Belgique

 

- L’indice des prix des produits animaux est en hausse en 2022

Depuis 2016, l’indice de la viande bovine est à la hausse pour atteindre 122,49 en 2022, un record depuis 2001. La demande pour le haché et la viande bovine bon marché est depuis plusieurs années forte au détriment des beaux morceaux. Le prix de la carcasse du bétail viandeux continue à augmenter, avec une hausse de 12 % sur l'année pour les taurillons (catégorie AS2) et 10 % pour les vaches. Cette augmentation peut en partie s’expliquer par la diminution de viande issue de vaches laitières, utilisée pour le haché ou la viande de moindre qualité gustative. En effet, le prix du lait ayant atteint des records, les éleveurs ont conservé leur bétail laitier diminuant ainsi l’approvisionnement en viande bovine. Pour les bovins vivants, la hausse a été plus modérée, à 6 %.

En 2022, l’augmentation du prix du lait, avec une moyenne de 54,83€/100 l est liée à l’augmentation des cours mondiaux du beurre et de la poudre de lait notamment parce que la demande mondiale en produits laitiers a excédé l’offre. L’indice du prix du lait a également atteint un record en 2022 avec entre autres une augmentation de 50 % par rapport à 2021.

Alors que l’année 2021 était une année catastrophique pour le secteur porcin belge, l’indice du prix en 2022 est le plus haut observé depuis 2001.

En 2021, les prix ont connu une reprise difficile après le point le plus bas atteint à l’automne 2020 pendant la crise du coronavirus. Les prix sont restés inférieurs à la moyenne pluriannuelle jusqu’au début de 2022. Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine et que le coût de l’énergie et des aliments pour animaux a augmenté, les prix ont évolué bien au-dessus de la moyenne pluriannuelle. Les prix sont restés à des niveaux très élevés tout au long de 2022.

Ces prix des porcs à la hausse sont entretenus par une offre d’animaux pour l’abattage insuffisante au sein de l’Union européenne. Cependant, le prix des intrants est très élevé, et ce dernier est difficilement couvert par le prix de vente.

Il est important de noter que le marché belge de la viande porcine est fortement intégré dans l'Union européenne et que les événements en dehors de Belgique peuvent avoir un impact significatif sur le marché.

Variation des indices des prix de productions animales en Belgique

 

- L’indice des prix des produits horticoles continue sa hausse en 2022

Le cours du marché des poires d'une année est fortement influencé par la production de l'année précédente. La récolte ayant lieu dans les derniers mois de l'année, les marchés évoluent en fonction des quantités disponibles, encore lors des 2 premiers trimestres de l'année suivante. Au cours des premiers mois de 2022, la culture de la poire, qui est plus importante que la culture de la pomme, est dans une situation de marché favorable avec un indice élevé pour les stocks de la récolte 2021 mais la tendance s’inverse lors du dernier trimestre (pour la récolte 2022). Le prix moyen des poires est inférieur à celui de l'année passée et ne couvre pas les coûts de production. Vu le coût énergétique très élevé et la crainte d'une moins bonne conservation des fruits dû aux chaleurs excessives, certains producteurs ont vendu toute leur production avant la fin de l’année. En effet, les stocks de poires sont moins importants que les années précédentes. La production belge de 2022 est estimée à 220 000 tonnes mais celle-ci serait en réalité supérieure de 10 %. En effet, environ 10 % des fruits n'ont pas été récoltés car les prix des fruits d'industrie étaient trop bas, rendant la récolte non rentable.

L’indice de prix des pommes en 2022 et en chute et passe en dessous de la base 100. Le prix des pommes est très bas, notamment en raison d’une grosse production au niveau européen, et est très loin de couvrir les coûts de production. Beaucoup de pommes ont été vendues avant la fin décembre pour limiter les frais de stockage car les coûts énergétiques ont explosé.

Pour les légumes en plein air, les prix sont globalement stables par rapport à 2021, cependant on observe une hétérogénéité au sein des produits. Les poireaux diminuent fortement alors que les choux fleurs ont tendance à augmenter. D’une manière générale le commerce est très volatil, les flux et les prix dépendent également des conditions climatiques au niveau européen, ce qui devrait être une tendance à l’avenir : les conditions climatiques au niveau européen fixeront les prix.

Variation des indices des prix de productions horticoles en Belgique

 

L’indice des prix des moyens de production est en forte hausse en 2022

Les moyens de production reprennent l’ensemble des éléments qui participent à la production tels que les consommations intermédiaires, les investissements, la rémunération de la main-d’œuvre salariée, la rémunération des terres agricoles (fermages) ainsi que les intérêts.

A l’exception des intérêts, en Belgique, les prix des moyens de production progressent depuis des années. Ils ont progressé de 50 % en un an et atteint le niveau le plus haut depuis 2001.

Variation des indices des prix des moyens de production en Belgique

  

- L’indice de prix des consommations intermédiaires continue de progresser permettant aux indices d’atteindre des niveaux historiquement hauts.

Les consommations intermédiaires de l’agriculture sont les biens et services effectivement consommés sur une année civile pour réaliser la production, tels que les matières premières, l’énergie, etc.

En 2022, le prix des consommations intermédiaires augmente de 56 % par rapport à 2021. L’énergie a repris sa valeur d’avant la crise sanitaire de la Covid-19. Quel que soit le type de consommation intermédiaire, l’indice a atteint un niveau record.

A l’origine de la progression des prix des engrais, se trouve celle des prix de l’énergie. La production d’engrais, tout particulièrement azotés, est en effet gourmande, plus précisément en gaz. Or, les cours du gaz ont presque doublé entre fin 2020 et 2021, du fait de la relance de l’activité économique post crise sanitaire. La guerre en Ukraine est venue exacerber cette situation car la Russie représente environ 15 % des exportations d’engrais azotés. 

Les prix à la consommation du mazout de chauffage et des carburants sont déterminés principalement par l’évolution du cours du pétrole sur les marchés internationaux. Les prix de l’électricité et du gaz sont, pour leur part, découplés des cours du pétrole, bien qu’ils en subissent indirectement les conséquences. .

Le cours du baril de Brent (en clôture à Londres) a en moyenne atteint un niveau de 100,76 $ en 2022, soit 42,6 % de plus qu'en 2021 (70,68 $/b) et presque deux fois et demi le niveau de 2020, année de crise et de confinements liés à la Covid-19 (41,75 $). La valeur moyenne annuelle du cours de Brent n'avait plus franchi la barre des 100 $ par baril depuis l'année 2013 (108,63 $/b). En mars 2022, l'invasion de l'Ukraine par la Russie combinée aux faibles stocks mondiaux de pétrole brut a porté le prix du pétrole brut à son niveau le plus élevé .

Variation de quelques indices des prix des consommations intermédiaires en Belgique

 

- Les autres moyens de production continuent à augmenter, à l’exception de l’indice de prix des intérêts en baisse depuis plus de 10 ans

Les investissements comprennent le matériel (tracteurs) et les ouvrages (bâtiments) d'exploitation. Le coût de ces investissements dépend du prix de l’énergie, de l’utilisation de nouveau type de matériaux, de plus en plus performants et de plus en plus complexes, nécessitant souvent plus d’énergie à leur fabrication ce qui entraîne un coût en augmentation.

L’indice des salaires illustre l’évolution du coût horaire moyen de la main-d’œuvre. Depuis 2015, une augmentation d’environ 2% par an est observée. Pourtant, 2022 fait exception avec une augmentation de 4 %. L'année 2022 a, en effet, été marquée par l’inflation qui a atteint au cours de cette période des taux record. L’indexation des salaires étant liée à l’évolution du coût de la vie, cette inflation a un impact sur les coûts salariaux.

Alors que les indices détaillés dans cette fiche sont d’application sur l’ensemble du territoire belge, les fermages se distinguent par une augmentation différente selon les régions, le système de calcul de coefficient de fermage étant régionalisé. En 10 ans, le prix des fermages belges de terres labourées a augmenté de 33% et celui des prairies de 21%. Cependant, une augmentation plus nette est observée en Flandre qu’en Région wallonne.

Les intérêts, quant à eux, voient leur indice diminuer depuis plusieurs années. Cette diminution est attribuable à de nombreux éléments dont, par exemple, une faible croissance de l’économie mondiale et de l’inflation, mais notons qu’il s’agit d’une tendance mondiale et non propre à la Wallonie. En 2022, l’indice est resté stable.