Cette fiche présente les paiements directs en faveur des agriculteurs mis en place dans le cadre du premier pilier de la politique agricole commune [PAC] européenne : leurs règles d’attribution, leurs fonctionnements et leurs budgets.
En 2023, les mesures liées à la PAC 2021-2027 sont entrées en vigueur. Outre les aides de base, redistributives, les éco-régimes dont la mise en œuvre est obligatoire par chaque Etat membre, la Wallonie a choisi de mettre en place des aides couplées à l’élevage de bovins, de brebis et aux cultures de protéines végétales ainsi que des aides complémentaires au revenu pour les jeunes agriculteurs.
Les paiements directs du 1er pilier de la PAC, un outil pour soutenir le revenu des agriculteurs européens
L’existence d’une telle aide au revenu pour le secteur agricole se justifie par plusieurs éléments :
- Le marché agricole connait des fluctuations de prix importantes, ce qui peut fragiliser l’équilibre économique des agriculteurs ;
- Les récoltes sont très incertaines et dépendent directement des conditions climatiques et environnementales qui sont variables ;
- Les agriculteurs, en plus de leurs rôles de producteurs, participent à la bonne gestion de l’environnement comme bien commun. Des incitations financières sont utiles pour encourager les agriculteurs à inclure les externalités (négatives et positives) dans leurs choix économiques individuels. Des aides publiques appropriées permettent d’encourager des pratiques vertueuses pour protéger des biens communs comme les sols, la biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre, les services écosystémiques, etc. ;
- Le revenu agricole moyen en Europe est (et a presque toujours été) nettement inférieur à celui des autres secteurs de l’économie. En 2020 dans l’Union européenne [UE], le revenu brut moyen des agriculteurs équivaut à 53 % du salaire moyen. Ces paiements directs constituent un véritable filet de sécurité pour les agriculteurs et leur assurent un certain niveau de revenu.
En Wallonie, pour la période actuelle, 2021-2027, ces paiements comptent un budget de 1 328 milliards € et représentent 71 % du budget alloué pour la mise en place de la PAC wallonne. Le budget relatif à l’année 2023 de la PAC s’inscrit dans le cadre financier 2021-2027, approuvé en décembre 2020 par les colégislateurs européens. En 2021 et 2022, les législations précédentes de la programmation précédente (2014-2020) étaient encore d’application mais elles s’inscrivaient déjà dans le cadre financier 2021-2027. La réforme de la PAC est en vigueur depuis le 1er janvier 2023.
Le budget de la PAC (1er et 2nd pilier) correspond à 31 % du budget européen total. Les paiements directs représentent 23,8 % du budget européen et sont financés entièrement par l’UE. Alors que les mesures de développement rural, quant à elles, représentent 7,2 % de ce budget et sont financées conjointement avec les Etats membres. Depuis sa création en 1962, la PAC compte un budget important et représente encore aujourd’hui le premier poste de dépenses de l’UE.
Les régimes des paiements directs octroyés aux agriculteurs résultent d’un plan stratégique spécifique à la Wallonie
Profondément remaniés depuis la programmation 2014-2020, les paiements directs reposent d’une part, sur des régimes d’aide obligatoires dans chaque Etat membre de l’UE et d’autre part, sur des régimes facultatifs. Depuis sa concrétisation en 2023, les Etats membres bénéficient d’une plus grande marge de manœuvre dans la mise en œuvre de la nouvelle PAC sur leur territoire. Chaque Etat réalise donc un Plan Stratégique National [PSN] qui répond à leurs besoins socio-économiques spécifiques afin de garantir une aide plus efficiente aux agriculteurs en fonction de leur contexte national. Une fois le PSN finalisé par l’Etat membre, il doit être approuvé par la Commission européenne et révisé si nécessaire. Il peut faire l’objet d’une révision annuelle.
Le cas de la Belgique est particulier étant donné les compétences agricoles du pays régionalisées. Il incombe donc à la fois la Wallonie et à la Flandre de soumettre un PSN propre à leur région. Les pouvoirs publics wallons sont responsables de la gestion et du contrôle des paiements directs octroyés aux agriculteurs wallons.
La Wallonie a ainsi choisi d’orienter son plan stratégique PAC [PSw PAC] pour répondre aux objectifs suivants :
- Soutenir l’agriculture familiale à taille humaine
- Garantir le revenu des agriculteurs
- Soutenir équitablement les différents types d’agriculture qui doivent garder leur complémentarité par rapport aux besoins du marché (Conventionnel, Bio, Qualité différenciée, Elevage, Cultures, Maraîchage, …)
- Veiller à sauvegarder et à promouvoir l’autonomie alimentaire
- Renforcer et relocaliser la plus-value des productions, notamment par la transformation de la production
- Favoriser la reprise des exploitations par la nouvelle génération
- Assurer une transition vers une agriculture plus durable
- Contribuer aux objectifs de la Région pour la nature, l’environnement et le climat et s’inscrire dans les orientations données par le Green Deal.
Les aides découplées de la production sont attribuées de façon proportionnelle à la surface agricole et conditionnellement aux respects de certaines exigences
La Wallonie met en œuvre 4 types d’aides directes liées aux superficies cultivées, ces aides sont également appelées "aides découplées" dès lors qu’elles sont indépendantes du type de produits agricoles.
- L’aide de base au revenu pour un développement durable - anciennement paiement de base
Sur la période 2023-2027, cette aide compte pour 30,3 % du budget total des aides directes et constitue le poste de dépenses le plus important. Pour y être admissible, le bénéficiaire doit répondre à l’ensemble des conditions suivantes :
- Être un agriculteur actif ;
- Être identifié dans le cadre du système intégré de gestion et de contrôle « SIGEC » ;
- Détenir des droits au paiement de manière définitive ou temporaire au moment de l’activation de ceuxci ;
- Détenir une unité de production située sur le territoire belge.
Le montant total de l’aide de base au revenu pour un développement durable que perçoit chaque exploitation agricole va dépendre des deux éléments suivants :
- Du nombre d’hectares admissibles à cette aide : Une exploitation avec davantage d’hectares admissibles percevra davantage d’aides.
- Du montant unitaire par hectare de cette aide : Autrefois, les aides au revenu étaient octroyées proportionnellement à la quantité produite (prix unitaires garantis) encourageant ainsi à maximiser les rendements. Cette productivité historique de chaque exploitation a déterminé ses montants unitaires des aides à l’hectare, engendrant une différenciation entre les exploitations. Cependant, depuis la programmation précédente, l’UE a mis en place un principe de convergence externe (entre Etat membre) et interne (entre exploitations d’un même Etat membre) visant à réduire les inégalités historiques entre ces montants unitaires. L’objectif est de rapprocher progressivement les montants unitaires de chaque aide de base au revenu à la moyenne wallonne (108 € /ha).
Cette aide de base au revenu est dégressive et plafonnée à 100 000 euros. Les paiements diminuent au-delà de certains seuils. Une réduction de 30 % s'applique pour la tranche comprise entre 60 000 et 75 000 €, de 85 % pour la tranche comprise entre 75 000 et 100 000 €.
- L’aide redistributive complémentaire au revenu pour un développement durable – anciennement paiement redistributif
Cette aide redistributive vise à soutenir les exploitations de petites et moyennes tailles qui dégagent en moyenne un revenu agricole plus faible par unité de travail familial. La Wallonie alloue 19,5 % de ses paiements directs à l’aide redistributive, soit 2,6 % de plus que dans la programmation précédente. L’UE demande aux Etats membres de consacrer à minima 10 % de leurs paiements directs à ces aides.
En 2023, cette aide offre un soutien supplémentaire de 143 €/ha pour les 30 premiers hectares de terres agricoles d’une exploitation. Les exploitations avec une surface agricole utilisée [SAU] plus importante sont également admissibles à cette aide mais seulement 30 hectares seront pris en compte.
Selon certaines conditions, il existe des possibilités de déplafonnement, en appliquant un plafond de 30 hectares pour chaque personne physique présente sur l’exploitation.
- L’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs - anciennement paiement en faveur des jeunes agriculteurs
L’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs a comme objectif de soutenir les jeunes et leur exploitation lors de leur installation en agriculture. Cette aide représente 2,9 % des paiements directs en Wallonie.
Pour y être admissible, l’exploitation concernée par cette aide doit compter un jeune agriculteur, c’est-à-dire âgé de moins de 41 ans, ayant les formations et compétences requises, étant installé en agriculture pour la 1ère fois et depuis moins de 5 ans. L’aide est calculée de façon proportionnelle aux hectares admissibles et vient s’ajouter aux deux aides précédemment décrites
L’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs est octroyée pendant 5 ans, elle est dégressive et plafonnée à 11 000 € par exploitation. Les seuils sont les suivants :
- 140 €/ha pour les 50 premiers hectares (de 0 à 50 ha) ;
- 80 €/ha pour les 50 suivants (de 51 à 100 ha) ;
Comme pour l’aide redistributive, un système de déplafonnement existe sous certaines conditions, dans lequel l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs ne s’applique plus à l’exploitation mais au nombre de jeunes admissibles présents sur l’exploitation.
- Eco-régimes
Les éco-régimes ont pour but d’encourager les agriculteurs à mettre en œuvre des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement. La Wallonie alloue 26 % de ses aides directes pour ces éco-régimes. Chaque Etat membre est tenu d’inclure les éco-régimes dans leur PSN (minimum 25 % de leurs paiements directs), mais leur mise en œuvre reste néanmoins facultative pour les agriculteurs.
Ces paiements permettent de compenser les pertes de production des agriculteurs qui mettent en œuvre des pratiques favorables à l’environnement et au climat.
La Wallonie propose 5 éco-régimes :
- L’écorégime « couverture longue du sol » vise à éviter tout sol nu durant l’hiver par une couverture du sol entre le 1er janvier et le 15 février ;
- L’écorégime « culture favorable à l’environnement » consiste à cultiver des cultures exigeant peu d’intrants afin de protéger les eaux de surface et les eaux souterraines, de diversifier les espèces végétales cultivées, de préserver la qualité des sols, d’accroitre l’autonomie alimentaire, de protéger la biodiversité, de relocaliser la production alimentaire et de réduire les émissions d'ammoniac ;
- L’écorégime « maillage écologique » vise à instaurer des zones dédiées à la biodiversité au sein de la matrice agricole. Ces zones sont complémentaires aux zones établies via les mesures agro-environnementales et climatiques [MAEC] et les prairies Natura 2000.
- L’écorégime « réduction d’intrants » consiste à ne pas appliquer une liste de produits phytopharmaceutiques sur ses parcelles de terres arables et cultures permanentes.
- L’écorégime « prairies permanentes conditionnée à la charge en bétail » se divise en deux parties. La première concerne l’aide de base à la prairie, qui vise à préserver les prairies permanentes. La seconde est une aide supplémentaire à la prairie conditionnée à la charge en bétail, valorisant la contribution des éleveurs qui détiennent des charges en bétail raisonnables et à incitant ceux qui possèdent des charges élevées à diminuer celles-ci.
Le budget alloué aux éco-régimes en Wallonie s’élève à 345,3 millions d’euros dont presque deux tiers sont consacrés aux prairies permanentes conditionnées à la charge en bétail, et la couverture longue du sol. Le maillage écologique se ne représente que 17 % du budget, suivi par les mesures dédiées aux cultures à 9 % chacune.
Pour être admissibles à ces paiements directs, les agriculteurs doivent respecter les règles de la conditionnalité renforcée qui sont reprises dans les bonnes conditions agricoles et environnementales [BCAE] et les exigences règlementaires en matière de gestion [ERMG]
L’accès aux paiements directs pour les agriculteurs est conditionné par le respect des règles de la conditionnalité renforcée ou « Super Conditionnalité » définis conjointement entre l’UE et les Etats membres. Par rapport aux précédentes programmations de la PAC, ce principe de conditionnalité est dite renforcée par le transfert de certaines pratiques facultatives dans le paiement vert en obligations dans les BCAE. C’est le cas par exemple de l’augmentation de la proportion des terres agricoles en surfaces non productives, de la présence de bandes tampons enherbées près des cours d’eau, etc.
Cette « Super conditionnalité » comprend deux types d’exigences : d’une part, les bonnes conditions agricoles et environnementales [BCAE] et d’autre part, les exigences réglementaires en matière de gestion [ERMG]. Les premières regroupent une série de normes relatives au respect de l’environnement, de préservation des sols et d’entretien des terres agricoles. Les secondes concernent l’environnement, la santé publique et végétale et le bien-être animal. Pour être déclarées « admissibles aux aides », les terres agricoles doivent respecter ces conditions.
La Wallonie met en œuvre des aides couplées facultatives pour soutenir les élevages bovins, ovins et caprins ainsi que les cultures de protéines végétales
Malgré la généralisation du découplage des aides au sein de la PAC, les Etats membres ont la possibilité de maintenir une partie de leurs paiements directs en aides couplées. Cela permet de soutenir certaines activités dans des régions où elles présentent une importance particulière sur les plans économique, social et environnemental.
La part des paiements directs que les Etats membres peuvent consacrer au soutien couplé facultatif est plafonné à 13 %. Ce chiffre peut -être augmenté de 2 % afin de soutenir la production de protéagineux. Toutefois, certaines exceptions existent, comme en Wallonie où les aides couplées représentent 21,3 % du total des aides directes.
Les aides couplées à la production, en Wallonie, sont destinées au soutien des élevages bovins (vaches laitières, viandeuses et mixtes), ovins et caprins ainsi qu’aux cultures de protéines végétales. Ces aides ont pour but d’améliorer la compétitivité et la durabilité économique, sociale et environnementale de ces activités agricoles qui représentent une part importante du paysage agricole wallon. Le secteur de l’élevage bovin viandeux, secteur incontournable en Wallonie, et confronté à des difficultés structurelles depuis de nombreuses années est le premier bénéficiaire de ce soutien couplé avec 81,6 % de l’enveloppe totale.