Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique, en Wallonie, en détaillant la structure des produits et des charges, sur base des données provenant du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole [DAEA].
En 2023, les charges par unité de surface agricole utile (SAU) ont continué d’augmenter, tandis que les produits ont enregistré une légère diminution. Par conséquent, le ratio entre les produits et les charges totales est inférieur à 1. Cela indique qu’en moyenne, une exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique ne génère pas suffisamment de produits pour couvrir l’ensemble des charges réelles et calculées.
Pratiquement 60 % des produits de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique proviennent des produits du lait
Les produits d’une exploitation contiennent la valorisation des productions et des services agricoles, les recettes des autres activités lucratives, les régularisations et également les aides. La valorisation des productions englobe les ventes mais également la valorisation des stocks (cultures ou animaux) et de l’intra-consommation.
Pour l’année 2023, la somme des produits de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique atteint une valeur de 89,3 €/100 l de lait, aides comprises. Les produits du lait représentent 59 % du total. Les produits des cultures commerçables représentent seulement 3 %. Le solde provient des autres activités lucratives, des autres activités des herbivores et fourragères, des granivores et bien évidemment des aides (18 %).
Depuis 2016, les produits par 100 l de lait ont augmenté d’environ 24 %. Depuis 2018, ils progressent régulièrement, sauf en 2023, où une légère baisse est observée par rapport à 2022. Cette évolution est liée au prix du lait, composante principale des produits. En 2023, le prix du lait biologique baisse de 5 % par rapport à l’année précédente, à 51,6 €/100 l. Cependant, il reste 20 % plus élevé que celui du lait conventionnel (43,97 €/100 l). Le prix de valorisation dans le réseau comptable est légèrement supérieur (53,19 €/100 l), grâce à une part du lait transformée et vendue à un meilleur prix.
Parmi l’ensemble des produits, les aides, exprimées par litre de lait, présentent une augmentation par rapport aux quelques années précédentes. En 2023, le montant moyen reçu, comprenant les montants des primes du premier et du deuxième pilier, est de l’ordre de 15,9 €/100 l de lait, dont environ un tiers provient des aides biologiques, soit 4,9 €/100 l de lait. En effet, en plus des aides classiques du premier et deuxième pilier de la Politique Agricole Commune (PAC), ces exploitations reçoivent des aides spécifiques pour les exploitations biologiques ainsi que des primes à la vache laitière.
Impact des Eco-Régimes sur les aides
L'augmentation des aides totales est en grande partie due au remplacement du paiement vert par les Eco-Régimes dans le cadre de la réforme de la PAC 2023-2027. Tandis que le paiement vert représentait en moyenne 6 700 € par exploitation spécialisée en bovins laitières en production biologique, les Eco-Régimes atteignent désormais près de 12 700 € par exploitation, marquant ainsi une progression significative. En effet, les aides biologiques sont cumulables avec les Eco-Régimes et grâce à un système de production proche des exigences imposées par les Eco-Régimes, ces exploitations peuvent facilement avoir accès à ce nouveau système.
Eco-Régime de l'exploitation spécialisée en bovins laitier en production biologique par exploitation
Couverture longue du sol | Cultures favorables à l'environnement | Prairies permanentes conditionnée à la charge en bétail | Mailage | Réduction d'intrants | TOTAL | |
Exploitations wallonnes professionnelles* | 2 579 € | 470 € | 2 598 € | 628 € | 87 € | 6 361 € |
Exploitations spécialisées en bovins laitiers | 3 018 € | 421 € | 5 035 € | 958 € | 43 € | 9 474 € |
… en production biologique | 3 655 € | 1 146 € | 6 699 € | 1 232 € | 6 € | 12 739 € |
Attention : cet encart concerne l’ensemble des exploitations wallonnes et pas seulement les exploitations du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole.
Parallèlement, les « autres produits » provenant, par exemple, des autres activités lucratives telles que la prestation de service pour tiers et l’agritourisme se développent. Dans cette catégorie de produits, sont comprises également, en tant que régularisation des exercices précédents, les indemnités «calamités agricoles », pour les sècheresses 2018, 2020 et 2022, et perçues notamment en 2021 et 2023.
Les charges totales de l’exploitation en production biologique spécialisée en bovins laitiers sont supérieures à ses produits
Au sein des charges d’une exploitation, on peut distinguer les charges opérationnelles affectées directement liées à une activité (semences, engrais, produits phytosanitaires, aliments, frais de cheptel), les charges de structure intégrant les dépenses réelles (fermages, assurances, frais d’entretien, frais généraux, main-d’œuvre salariée, …) et calculées (amortissements comptables, intérêts sur l’actif) ainsi que les charges liées à la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale).
En 2023, le total des charges des exploitations spécialisées en bovins laitiers en production biologique s’élève à 95,4 €/100 l de lait, soit une hausse de 12 % par rapport à 2022. La part de chacune de ces grosses catégories de charges est d’environ un tiers.
Depuis 2020, une augmentation des charges est observée quelle que soit la catégorie mais ce sont les charges liées à la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale) qui progressent le plus pour atteindre 33,0 €/100 l. Alors que ce poste était resté relativement stable ce n’est plus le cas (+ 21 % ). Cette augmentation est liée aux salaires en nette hausse en 2023, l’unité de main-d’œuvre étant restée stable. Les charges de structure (33,6 €/100 l) sont également impactées par la hausse du coût salarial au niveau des frais liés au salariat mais également des travaux par tiers. Les charges opérationnelles progressent également mais dans une moindre mesure, le prix de l’énergie ayant ralenti son augmentation.
- Les charges opérationnelles affectées continuent leur progression
En 2023, les charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique, s’élèvent à 28,9 €/100 l de lait (+ 6 % par rapport à 2022). Il s’agit du montant le plus important depuis 2016. Ces augmentations touchent l’ensemble des postes.
Pour les cultures, essentiellement fourragères et avec une proportion élevée de prairies, les charges opérationnelles affectées ne sont pas le poste le plus important et représentent 2,3 €/100 l de lait.
L’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique fait appel à des tiers pour les travaux agricoles, et ce poste, avec une valeur de plus de 4,7 €/100 l de lait est le deuxième plus important parmi les charges opérationnelles. Ces travaux par tiers sont dans 95 % des cas liés aux cultures. Les exploitations spécialisées en bovins ont donc souvent tendance à déléguer certains travaux. Cela répond à un problème de rentabilité de certains matériels à l’échelle d’une exploitation mais également à un besoin de main-d’œuvre extérieure pour la réalisation de certains travaux. L’augmentation des salaires ainsi que des charges d’énergie ont contribué à l’augmentation de ce poste.
Les charges liées à l’alimentation représentent 61 % des charges totales, les frais de cheptel aliments compris, plus de 75 %.
Les frais de cheptel reprennent les frais de vétérinaire, les pensions ainsi que des charges diverses.
Evolution des charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique par unité de 100 litres de lait
Evolution des charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique par unité de 100 litres de lait
- Parmi les charges de structure, les charges foncières et les charges de matériel font jeu plus ou moins égal
Les charges de matériel représentent 14,2 €/100 l de lait, soit 42 % des charges de structure pour 2023. Avec une valeur de 11,9 €/100 l de lait en 2023, les charges liées au foncier (amortissements, intérêts, entretien, location et assurances des biens fonciers) représentent 35 % des charges de structure de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique. Exprimées en litre, tant les charges de matériel que foncières sont en augmentation depuis 2016. Le phénomène s’intensifie lorsque l’on exprime ces charges par hectare. L’augmentation du rendement laitier explique ces différences d’évolution.
Les exploitants réalisent une part des travaux avec leur propre matériel et en confient une part à des tiers. Selon les choix de gestion de l’agriculteur et de disponibilité de la main-d’œuvre, cette répartition évolue. Les charges de matériel de l’exploitation doivent donc être mises en relation avec le recours à des tiers pour les travaux agricoles, en forte hausse en 2023. Les variations annuelles sont notamment liées à l’augmentation des salaires ainsi qu’à la fluctuation du prix de l’énergie qui impacte directement les dépenses en combustibles de l’exploitation, et influence les tarifs de leurs prestataires de service, notamment les entrepreneurs de travaux agricoles. Pour le matériel de l’exploitation, la charge en carburant repasse en dessous de 2 €/100 l de lait mais ce coût reste toujours supérieur à la moyenne des années précédentes.
Evolution des charges de mécanisation et travaux par tiers de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologiques par 100 litres de lait
Evolution des charges de mécanisation et travaux par tiers de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologiques par 100 litres de lait
Le volume des produits est insuffisant pour couvrir l’ensemble des charges de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique
Pour comparer le total des produits et des charges de l’exploitation, on peut analyser la valeur des produits par 1 000 € de charges. Si la valeur obtenue est inférieure à 1 000 €, cela signifie que les produits de l’exploitation sont insuffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production, y compris de la main-d’œuvre familiale et de l’ensemble du capital (en considérant un fermage sur la totalité de la SAU et un intérêt sur le capital). En 2023, l’exploitation spécialisée en bovins laitiers en production biologique a engrengé 900 € de produits pour 1 000 € de charges. Ce resultat est nettement moins bon qu’en 2022 mais également inférieur à la moyenne des cinq années précédentes qui indique 955 € de produits par 1 000 € de charges. Cela signifie que ce type d’exploitation n’a pas su, en moyenne, rémunérer l’ensemble de ses facteurs en considérant que l’ensemble des terres est louée et que l’ensemble de la main-d’œuvre est salariée.