Cette fiche analyse la culture d’épeautre selon une approche territoriale et une approche technico-économique. La première décrit la répartition des superficies de cette culture en région wallonne selon la super-région et selon l'orientation technico-économique [OTE]. La seconde analyse les facteurs influençant la marge brute de cette culture, et ce, pour l’ensemble des producteurs, en agriculture conventionnelle, du réseau comptable de la Direction de l’Analyse économique agricole [DAEA] ayant au moins 1 ha de culture d’épeautre. Elle présente les différents éléments constituant la marge brute : les produits et les charges opérationnelles affectées à cette culture, sur l’ensemble du territoire, au sein des régions agricoles et sur la zone herbagère.
Le grain d'épeautre est souvent utilisé en alimentation animale, raison pour laquelle on retrouve cette culture majoritairement dans les exploitations tournées vers l'élevage. Un peu moins de 18 % des agriculteurs wallons consacrent une partie de leur superficie à cette culture. Avec un rendement et un prix relativement moyens, la marge brute passe juste au-dessus de la barre des 1 000 €/ha.
Les superficies emblavées en épeautre connaissent des fluctuations selon les résultats économiques des années précédentes
En 2022, la culture d’épeautre occupe 13 591 ha répartis entre 2 267 exploitants qui y consacrent une superficie moyenne d’un peu moins de 6,0 ha. Une bonne partie des producteurs utilise, au moins partiellement, le grain pour l’alimentation de leur cheptel. L’épeautre est, en effet, une céréale très riche en cellulose qui apporte un bénéfice pour la rumination. La superficie consacrée à cette culture s’est réduite après la hausse de 2021 encouragée à la suite de l’augmentation de la marge brute de cette culture enregistrée de 2015 à 2020. Les mauvais résultats économiques de 2021 et l’humidité lors des semis ont sans doute freiné le choix d’implanter cette céréale pour l’année 2022.
Pour analyser l’influence des régions agricoles sur les cultures commerçables, on distingue trois « super- régions » que l’on suppose suffisamment homogènes sur le plan des techniques culturales et des résultats. Premièrement, la zone « grandes cultures » regroupant les régions limoneuse et sablo-limoneuse ainsi que la Campine hennuyère. C’est dans ces régions que les cultures commerçables sont les plus fréquentes et que l’on retrouve le plus d’exploitations spécialisées en grandes cultures. Deuxièmement, la zone « herbagère » composée des régions agricoles : région herbagère, Fagnes, Famenne, région jurassique, Ardenne et Haute Ardenne. Ces régions sont plus spécialisées en élevage, surtout bovin, et le pourcentage de prairies y est important. Finalement, la zone « Condroz » qui est une région agricole intermédiaire. Cette subdivision de la Wallonie est réalisée pour obtenir un effectif suffisant pour comparer les zones entre elles et pour réaliser des analyses de classe de performance au sein d’une zone donnée (essentiellement la zone « grandes cultures »).
Cette céréale rustique se rencontre dans les régions moins favorables aux « grandes cultures ». De ce fait, près de 45 % de la superficie emblavée en épeautre se retrouvent dans la zone « herbagère », contre 30 % dans la zone « grandes cultures » et 25 % dans le Condroz. C’est dans cette dernière région que les superficies par exploitation sont les plus grandes et dépassent 6,9 ha.
- La majorité des producteurs d’épeautre sont des exploitations tournées vers l’élevage bovin
L’analyse des facteurs sur base des orientations technico-économiques [OTE] n’est effectuée que pour les exploitations dites professionnelles, c'est-à-dire dont la production brute standard totale est supérieure à 25 000 euros. Ces dernières couvrent 97 % de la superficie agricole utile [SAU] wallonne.
En 2022, ce sont 13 350 ha d’épeautre qui sont cultivés par 2 185 exploitants professionnels. La majorité des producteurs d’épeautre sont des exploitations tournées vers l’élevage bovin. Ainsi près de la moitié de ces producteurs sont spécialisés en bovins laitiers et/ou viandeux. A contrario, 27 % sont gérés au sein d’exploitations spécialisées en grandes cultures, confirmant l’alimentation animale comme destination majoritaire de cette culture. Ces exploitations ont une surface emblavée en épeautre supérieure aux autres types d’exploitations, elles cultivent ensemble 34 % de la surface de cette céréale.
L’année 2022 se caractérise par un rendement et un prix dans la moyenne des dix années précédentes
En 2022, le rendement de la culture d’épeautre s’établit à 7 407 kg/ha, soit à un niveau comparable à la moyenne des dix années précédentes qui est de l’ordre de 7 350 kg/ha, mais nettement mieux que l’an passé.
Le prix de vente du grain d’épeautre atteint en 2022 une valeur de 227 €/t. Tout comme le rendement, c’est un prix comparable à celui de la moyenne des dix années précédentes de 223 €/t.
- Des différentiels de rendement de plus de 2,4 t/ha sont observés en 2022 entre producteurs de la zone « herbagère », témoin de l’hétérogénéité des situations
Pour l’année 2022, le rendement moyen de la culture d’épeautre en zone « grandes cultures » est de 8 450 kg/ha, 7 418 kg/ha dans le Condroz, et 6 768 kg/ha dans la zone « herbagère ». Le prix de vente obtenu par les agriculteurs de la zone « herbagère » est un peu plus élevé que celui de la zone « grandes cultures » ou du Condroz.
Si on compare les agriculteurs au sein de la zone « herbagère », au niveau de leur performance dans l’obtention d’une marge brute élevée, on observe un écart de rendement très important de plus de 2 400 kg/ha. L’épeautre est une céréale secondaire et qui n’occupe en général qu’une petite superficie dans ces exploitations et dans les parcelles les moins productives. De ce fait, régulièrement on observe un écart important entre les groupes de performance extrême.
En 2022, le produit principal de la culture d’épeautre est dans la moyenne des dix années précédentes
En 2022, l’effet combiné d’un rendement et d’un prix proche de la moyenne des dix années précédentes conduit à un produit principal de l’épeautre de 1 679 €/ha, comparable à la moyenne des dix années précédentes de 1 644 €/ha. A ce produit principal s’ajoute le produit secondaire lié à la paille qui s’établit à 335 €/ha. Le total des deux produits atteint ainsi une valeur de 2 014 €/ha.
- Le différentiel de produits entre super-région est moins important qu’entre les classes de performance au sein de la zone "herbagère"
La comparaison entre les agriculteurs situés en zone « grandes cultures » et ceux en zone « herbagère » révèle un différentiel de plus de 350 €/ha de produit pour la culture d’épeautre. Le produit principal s’élève à 1 548 €/ha dans la zone « herbagère », à 1 664 €/ha dans le Condroz et à 1 901 €/ha dans la zone « grandes cultures ».
Si l’on compare les performances des cultivateurs dans la zone « herbagère », on relève un différentiel de produit s’élevant à 768 €/ha entre les groupes extrêmes. Ainsi, les producteurs les moins performants, avec un rendement plus faible, se contentent d’un produit de 1 213 €/ha alors que les plus performants obtiennent un produit de 1 981 €/ha, plus élevé que la moyenne des producteurs de la zone « grandes cultures ».
Le total des charges opérationnelles affectées pour la culture d’épeautre subit une hausse très marquée et imputable essentiellement aux engrais
En 2022, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, pour la culture d’épeautre s’élèvent à 649 €/ha. C’est pratiquement 50 % de plus que la moyenne des dix années précédentes de 454 €/ha. Ces charges opérationnelles affectées avaient augmenté de 2010 à 2014 pour dépasser les 500 €/ha avant de diminuer légèrement et de rester inférieures à 430 €/ha au cours des 5 années précédentes. La hausse pour cet exercice 2022 est essentiellement liée à l’augmentation du coût des engrais qui deviennent le poste le plus important et représentent plus de 55 % du total de ces charges. Viennent ensuite, les achats de pesticides avec 26 % et enfin de semences avec 18 %.
L’épeautre est une culture moins exigeante que celle du froment au niveau fertilisation et se contente d’une fumure azotée d’environ 140 unités/ha. Les apports de phosphore sont de l’ordre de 12 unités/ha et ceux de potassium atteignent 17 unités/ha. Signalons que ces fumures phospho-potassique sont en général un peu plus élevées dans la zone « herbagère ». Il s’agit bien souvent d’une des rares cultures. Il n’y a donc pas de culture en tête de rotation nécessitant un apport important de ces éléments dans l’assolement de ces exploitations. En 2022, vu le prix des engrais, les exploitants ont réduit la fertilisation en appliquant, en moyenne, 121 unités d’azote par ha et respectivement 6 et 11 unités/ha pour le phosphore et le potassium.
A titre informatif, le montant dédié aux travaux par tiers est de 190 €/ha en 2022, plus élevé que la moyenne des dix années précédentes qui est de 150 €/ha.
- Le montant des charges opérationnelles affectées pour l’épeautre est un peu plus élevé pour les producteurs condruziens
Les totaux des charges opérationnelles affectées ne présentent pas de grandes différences entre les cultivateurs des diverses zones, mais on relève que les dépenses en 2022, sont un peu plus élevées dans le Condroz que pour les deux autres zones. Cela s’observe depuis 2016. Ces agriculteurs sont probablement un peu plus intensifs que ceux de la zone « herbagère » mais un peu moins pointus que ceux de la zone « grandes cultures ».
Entre les groupes de performances extrêmes, on enregistre un écart de 168 €/ha de charges opérationnelles affectées au profit du groupe le plus performant. Les écarts portent sur les dépenses en engrais et en semences pratiquement en part égale.
En 2022, la marge brute de l’épeautre remonte au-dessus de 1 000 €/ha
En 2022, la marge brute du produit principal de la culture d’épeautre, c’est-à-dire le grain, atteint 1 030 €/ha, les travaux par tiers n’étant pas compris dans les charges opérationnelles affectées. C’est un résultat mitigé pour cette céréale dont la marge brute moyenne au cours des dix années précédentes était de 1 190 €/ha. Cette marge s’explique par des prix et rendement moyens pénalisés par des charges en hausse. Si l’on prend en compte le produit secondaire de la céréale, c’est-à-dire la paille, et les travaux par tiers dans les charges pour calculer la marge brute, cette dernière monte à 1 175 €/ha.
L’évolution de la marge brute suit assez fidèlement l’évolution du prix de vente du grain, avec un pic en 2013 lié à un prix de vente très élevé, suivi d’un plongeon en 2015 et d’un second pic en 2020.
- En 2022, les écarts de marge brute dépassent 400 €/ha entre les super-régions et plus de 900 €/ha entre les groupes de performance au sein de la zone « herbagère »
La marge brute du produit principal de la culture d’épeautre varie d’environ 900 €/ha en zone « herbagère » et dans le Condroz à 1 340 €/ha en zone « grandes cultures ».
Au sein de la zone « herbagère », les producteurs les plus performants dégagent une marge brute de 1 385 €/ha alors que les moins performants n’ont que 449 €/ha. Une telle marge ne laisse guère de perspective de revenus pour le travail réalisé. Si on prend en compte le produit de la paille et les travaux par tiers dans les charges opérationnelles affectées, les marges brutes des groupes de performance extrêmes atteignent respectivement 1 508 €/ha et 477 €/ha.