Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation professionnelle spécialisée en bovins viandeux, en Wallonie, en détaillant la structure des produits et des charges, sur base des données provenant du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole [DAEA]. Cette analyse présente d’une part les résultats globaux et, d’autre part, se focalise sur certaines exploitations en mode de production conventionnel1 en comparant leurs résultats par groupe de performance.
En 2023, les produits de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux poursuivent leur augmentation mais ils restent bien inférieurs au total des charges réelles et calculées. De ce fait, le ratio entre les produits et les charges reste inférieur à 1 et toujours en net retrait comparativement à d’autres orientations technico-économiques.
Les produits des exploitations spécialisées en bovins viandeux augmentent très légèrement en 2023
Les produits d’une exploitation contiennent la valorisation des productions et des services agricoles, les recettes des autres activités lucratives, les régularisations et également les aides. La valorisation des productions englobe les ventes mais également la valorisation des stocks (cultures ou animaux) et de l’intra-consommation.
Pour l’année 2023, la somme des produits, aides comprises, de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux atteint une valeur de 1 733 €/UGB bovin. Parmi ceux-ci, 1 037 € proviennent des herbivores et des cultures fourragères (60 % de l’ensemble des produits) dont 993 € spécifiquement de la valorisation de la viande bovine (57 % de l’ensemble des produits). Le solde provient essentiellement des aides et des quelques rares cultures commerçables présentes dans ces exploitations.
Impact des Eco-Régimes sur les aides
L'augmentation des aides totales est en grande partie due au remplacement du paiement vert par les Eco-Régimes dans le cadre de la réforme de la PAC 2023-2027. Tandis que le paiement vert représentait en moyenne 5 800 € par exploitation spécialisée en bovins viandeux, les Eco-Régimes atteignent désormais près de 8 800 € par exploitation, marquant ainsi une progression significative. En effet, l’Eco-régime prairies permanentes conditionnée à la charge en bétail est facilement accessible aux éleveurs et offre un complément financier au soutien couplé ainsi que l’Eco-Régime Couverture longue du sol qui permet de valoriser les prairies et les couverts hivernaux.
Couverture longue du sol | Cultures favorables à l'environnement | Prairies permanentes conditionnée à la charge en bétail | Mailage | Réduction d'intrants | TOTAL | |
Exploitations wallonnes professionnelles* | 2 579 € | 470 € | 2 598 € | 628 € | 87 € | 6 361 € |
Exploitations spécialisées en bovins viandeux | 2 817 € | 513 € | 4 517 € | 952 € | 31 € | 8 830 € |
Attention : cet encart concerne l’ensemble des exploitations wallonnes et pas seulement les exploitations du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole.
De 2010 à 2019, le total des produits de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux a oscillé de plus ou moins 100 € autour de 1 280 €/UGB bovin. C’est à partir de 2020 que ces produits vont dépasser 1 500 €/UGB bovin. La hausse des produits totaux relevée en 2020 est en partie due à une meilleure valorisation de la viande (excepté que pour ceux-ci l’augmentation n’a réellement démarré qu’en 2021) et une augmentation des aides ponctuelles. Ces dernières sont liées aux calamités reçues notamment en 2020 et 2021 pour les sécheresses de 2018 et 2020. De 2022 à 2023, on observe une légère hausse des produits des cultures fourragères et des aides suite à la réforme de la PAC.
Le total des produits de ce type d’exploitation exprimé par ha de superficie agricole utilisée [SAU] permet la comparaison avec les exploitations des autres orientations technico-économiques dont par exemple celles spécialisées en grandes cultures ou en bovins laitiers. On constate ainsi que l’exploitation spécialisée en bovins viandeux dégage nettement moins de produits par ha de SAU que ces dernières.
A titre d’information, la charge par ha de SAU est de 0,77 vache et de 1,34 UGB bovin. Ces valeurs montent à 0,88 vache et 1,52 UGB bovin si on les exprime par ha de superficie fourragère.
- Les exploitations du groupe de performances le plus élevé dégage en moyenne 200 €/UGB bovin de produits en plus que celles du groupe le moins performant
Classement des exploitations selon leur niveau de performance
Les exploitations conventionnelles spécialisées en bovins viandeux sont classées dans des groupes en fonction de leur performance (faible, moyenne ou élevée) exprimée par le revenu du travail par unité de travail (UT). Outre leur spécialisation en production viandeuse bovine et leur mode de production conventionnel, les autres critères de sélection des exploitations sont :
- Une présence de minimum 20 bovins avec moins de 5 vaches laitières et moins de 5 UGB autres herbivores ;
- Des produits des bovins et cultures fourragères représentant au moins 65 % des produits totaux de l’exploitation ;
- Une superficie fourragère couvrant au moins 65 % de la SAU.
- Des produits des autres activités lucratives (agritourisme, travaux pour tiers), des granivores et des cultures commerçables, déduction faite de l’intra-consommation, ne dépassant pas 15% des produits totaux de l’exploitation hors aides.
Cet échantillon d’analyse de groupes de performance diffère de l’exploitation type spécialisée en bovins viandeux par son mode de production et les seuils de sélection mais aussi par le fait qu’aucune pondération des valeurs individuelles n’est réalisée.
Les exploitations ainsi sélectionnées ont une superficie moyenne de 92,4 ha dont plus de 90% de superficie fourragère pour 245 bovins, équivalent à 153 UGB, dont 88 vaches viandeuses. Elles sont donc en moyenne nettement plus grande que l’exploitation type spécialisée en bovins viandeux.
Les exploitations des différents groupes de performances par ordre croissant, dégagent respectivement, des produits de 1 483 €/UGB bovin, 1 575 €/UGB et 1 678 €/UGB. La part des produits des bovins et des cultures fourragères dans le total des produits de l’exploitation est de l’ordre de 70% pour les différents groupes de performance. Les prix de vente sont assez comparables entre les groupes.
Les exploitations des groupes de performance n’ont pas exactement la même structure. Ainsi, les exploitations du groupe le plus performant sont de plus grande taille avec une SAU de plus de 97 ha et près de 265 bovins (163 UGB). A l’opposé, les exploitations du groupe le moins performant exploitent 72 ha pour 222 bovins (140 UGB). Le groupe de performance intermédiaire gère 100 ha pour 246 bovins (154 UGB). La charge en bovin par ha de superficie fourragère varie ainsi de 1,73 UGB à 2,08 UGB entre les groupes de performance..
Les charges de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux sont réparties de façon similaire entre les charges opérationnelles affectées, les charges de structure et les charges de rémunération de la main d’œuvre familiale
Au sein des charges d’une exploitation, on peut distinguer les charges opérationnelles affectées, directement liées à une activité (aliments, frais de cheptel, semences, engrais, produits phytosanitaires, travaux par tiers) et les charges de structure intégrant les dépenses réelles (fermages, assurances, frais d’entretien, frais généraux, main-d’œuvre salariée, …) et calculées (amortissements comptables, intérêts sur l’actif). On distingue également des deux précédentes la rémunération (calculée) de la main-d’œuvre non salariée (familiale).
En 2023, le total des charges de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux s’élève à 2 276 €/UGB bovin. Ces charges se répartissent en trois parts équivalentes entre les charges de structure pour 34 %, les charges opérationnelles affectées pour 33 % et enfin la rémunération du travail familial (non salarié) pour 34 %.
Le total de ces charges montre une évolution globale à la hausse jusqu’en 2013 avant de présenter une légère tendance baissière, due essentiellement à une réduction des charges opérationnelles affectées pour se stabiliser aux alentours de 1 850 €/UGB bovin de 2014 à 2017. On observe ensuite une hausse annuelle de l’ordre de 50 €/UGB bovin de 2018 à 2022. La valeur de 2023 est presque 18 % supérieure à la moyenne des dix années précédentes qui est de 1 936 €/UGB.
Les charges de main-d’œuvre familiale qui restaient relativement constantes, oscillant autour de 675 €/UGB bovin pour ces dix dernières années, enregistre en 2023 une hausse marquée pour atteindre 767 €/UGB bovin. Cette augmentation s’explique uniquement par l’augmentation des salaires ; l’inflation en 2022 et en 2023 a atteint au cours de cette période des taux record.
Le total des charges de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux par ha de SAU est de 3 021 €, soit environ 9 % en plus que la moyenne des dix années précédentes qui est de 2 768 €. L’augmentation par ha de SAU est donc nettement moins marquée que celle observée par UGB, ce qui montre une certaine extensification de l’élevage bovin viandeux. Par comparaison avec les exploitations spécialisées en bovins laitiers, on constate que le niveau de charges est nettement inférieur.
- Les frais d’aliments représentent la moitié des charges opérationnelles affectées
En 2023, les charges opérationnelles affectées de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux, s’élèvent à 742 €/UGB bovin dont 379 € pour l’alimentation des herbivores. Alors que la moyenne des charges opérationnelles totales affectées pour les dix années précédentes était proche de 576 €/UGB bovin, on observe une hausse sensible en 2022 et en 2023, liée notamment à une augmentation du prix des aliments en 2022 et aux frais de cheptel, aux aliments et travaux par tiers en 2023. Les frais de cheptel représentent 145 €/UGB dont 109 €/UGB pour les frais vétérinaires. La moyenne des dix années précédentes des charges de cheptel est de 126 €/UGB.
Les cultures étant essentiellement fourragères dans ce type d’exploitation, avec une proportion élevée de prairies, les charges opérationnelles affectées, hors travaux par tiers, ne sont pas le poste le plus important et représentent 119 €/UGB bovin.
L’exploitation spécialisée en bovins viandeux fait régulièrement appel à des tiers pour les travaux agricoles et dépense 97 €/UGB bovin pour les travaux par tiers affectés. Cela répond à un problème de rentabilité de certains matériels à l’échelle d’une exploitation mais également à un besoin de main-d’œuvre extérieure pour la réalisation de certains travaux. Même si ce poste n’est pas le plus important, il enregistre une hausse de 50 % par rapport à la moyenne des dix années précédentes suite à une hausse des tarifs et pour cette année une récolte de fourrage plus abondante.
La part de charges liées aux engrais minéraux, aux semences et aux produits de protection phytosanitaires par ha de SAU est respectivement de 94, de 39 et de 25 €.
- Parmi les charges de structure, les charges de matériel sont les plus importantes bien qu’elles soient nettement inférieures à celles observées pour les orientations spécialisées en grandes cultures ou élevage de bovins laitiers
Les charges de matériel représentent 299 €/UGB bovin, soit 39 % des charges de structure pour 2023. C’est près de 55 €/UGB bovin de plus que la moyenne des dix années antérieures. Avec 265 €/UGB bovin en 2023, les charges liées au foncier (amortissements, intérêts, entretien, location et assurances des biens fonciers) représentent 34 % des charges de structure de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux. Ces charges foncières évoluent peu avec une moyenne de 263 €/UGB bovin pour les dix années antérieures. Les autres types de charges qui intègrent essentiellement les frais généraux, les énergies non affectées, les intérêts sur le capital circulant et les salariés, augmentent progressivement chaque année.
Les charges de matériel de l’exploitation doivent être mises en relation avec le recours à des tiers pour les travaux agricoles. Les exploitants peuvent réaliser une part des travaux avec leur propre matériel et en confier une part à des tiers. Selon les choix de gestion de l’agriculteur et de disponibilité de la main-d’œuvre, cette répartition évolue. On observe une légère hausse au niveau des travaux par tiers, ces dernières années. La somme des deux types de charges donne une valeur de 407 €/UGB bovin pour 2023, plus que les 324 €/UGB bovin de moyenne au cours des dix années précédentes. Les variations annuelles sont notamment liées à la fluctuation du prix de l’énergie qui impacte directement les dépenses en combustibles de l’exploitation, et influence les tarifs de leurs prestataires de service, notamment les entrepreneurs de travaux agricoles.
Exprimée par ha de SAU, le total des charges de mécanisation, comprenant les travaux par tiers, atteint 540 €. A titre de comparaison, c’est une valeur nettement inférieure à celle observée pour les exploitations spécialisées en bovins laitiers. Pour le matériel de l’exploitation, la charge en carburant, après un minimum de 38 €/ha de SAU en 2020, dépasse les 73 €/ha de SAU depuis 2022.
- Les exploitations les moins performantes dépensent 410 €/UGB en plus que les plus performants
Les exploitations du groupe le plus performant ont un niveau de charges totales de 1 810 €/UGB alors qu’il atteint 2 222 €/UGB pour celles du groupe le moins performant.
Au niveau des charges opérationnelles affectées, l’écart entre les groupes de performance extrêmes monte à 105 €/UGB bovin. Ainsi, on observe une valeur de 617 €/UGB bovin pour les exploitations du groupe le plus performant, tandis que celles du groupe le moins performant dépensent 722 €/UGB bovin. Quel que soit le groupe de performance, les aliments complémentaires, c’est-à-dire ne provenant pas des cultures fourragères de l’exploitation, représentent environ 63 % des charges opérationnelles affectées et les concentrés de 35 à 43 %.
Concernant les charges de structure, avec 635 €/UGB bovin, les exploitations les plus performantes dépensent moins que celles du groupe le moins performant qui atteignent 844 €/UGB bovin, soit un différentiel de 210 €/UGB bovin.
Enfin, les exploitants du groupe le plus performant présentent une efficacité de leur main-d’œuvre familiale supérieure et, de ce fait, économise environ 100 €/UGB par rapport aux deux autres groupes d’exploitants.
Les produits de l’exploitation spécialisée en bovins viandeux restent bien insuffisants pour couvrir les charges
Pour comparer le total des produits et des charges de l’exploitation, on peut analyser la valeur des produits par 1 000 € de charges. Ces produits intègrent le solde TVA pour les exploitants qui ne sont pas dans le système TVA normal et les quelques rares produits hors solde. Si la valeur obtenue est inférieure à 1 000 €, cela signifie que les produits de l’exploitation sont insuffisants pour rémunérer l’ensemble des facteurs de production, y compris de la main-d’œuvre familiale et de l’ensemble du capital (en considérant un fermage sur la totalité de la SAU et un intérêt sur le capital).
En 2023, l’exploitation spécialisée en bovins viandeux a engrangé 760 € de produits pour 1 000 € de charges. En d’autres mots, l’exploitation spécialisée en bovins viandeux n’a, en moyenne, pas été en mesure de couvrir l’ensemble de ses charges réelles et calculées. Après la légère amélioration de 2022, on retrouve une valeur comparable à 2020 et 2021. Remarquons aussi que ces valeurs sont nettement inférieures à la moyenne des exploitations wallonnes et des autres spécialisations telles que la grande culture ou la production laitière.