Cette fiche aborde la rentabilité de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers. Faisant suite à la présentation des produits et des charges de cette exploitation, sont analysées, en procédant par étape, les évolutions de la marge brute, de l’excédent brut et des revenus. Ces analyses utilisent les données provenant du réseau comptable de la Direction de l’analyse économique agricole [DAEA].
Au départ d’une marge brute de l’ordre de 30,7 €/100 l de lait, l’exploitation spécialisée en bovins laitiers obtient un excédent brut proche de 25,6 €/100 l de lait et un revenu agricole de presque 56 520 € par unité de travail familial. Après la forte hausse observée en 2022, ces valeurs redescendent.
En 2023, la marge brute de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers baisse de plus de 10 €/100 l de lait par rapport à 2022
La marge brute traduit l’efficacité avec laquelle l’exploitation génère des produits au moyen de ses charges opérationnelles affectées. En 2023, elle est de 30,7 €/100 l de lait (34,4 €/100 l de lait, travaux par tiers exclus des charges).
La marge brute pour les exploitations spécialisées en bovins laitiers en 2023 est supérieure à la moyenne des dix années précédentes qui est de l’ordre de 25,9 €/100 l de lait. Elle est toutefois bien inférieure à la valeur très élevée obtenue en 2022 qui était de 41,2 €/100 l de lait. L’année 2016 reste l’année la plus mauvaise de la décennie, les produits, ayant chuté de manière plus importante que les charges, amenant ainsi la marge brute à 16,5 €/100 l de lait.
Si l’on veut analyser spécifiquement l’activité des bovins et des cultures fourragères de ces exploitations, on peut calculer la marge brute des bovins et des cultures fourragères qui est de 28 €/100 l de lait (31,1 €/100 l de lait sans les travaux par tiers dans les charges).
Exprimée par vache laitière ou par ha de SAU, la marge brute de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers est respectivement de 2 098 € et de 2 146 €. Quelle que soit l’unité, la baisse par rapport à 2022 est de l’ordre de 600 €.
- La marge brute des plus performants est supérieure à celle des moins performants de 7,7 €/100 l de lait soit près de 1 000 €/vache
Les exploitations conventionnelles spécialisées en bovins laitiers sont classées dans des groupes en fonction de leur performance (faible, moyenne ou élevée) exprimée par le revenu du travail par unité de travail. Outre leur spécialisation en production laitière et leur mode de production conventionnel, les autres critères de sélection des exploitations sont d'avoir au 4 000 l/vache, une présence de minimum 20 vaches laitières et de maximum 5 vaches viandeuses. Les produits des bovins et des cultures fourragère doit couvrir au moins 65 % de la SAU. Enfin, la part du volume de lait vendu directement à la ferme ne peut excéder 25 % et celle consommée sur la ferme ne peut dépasser 10 %. Cet échantillon d'analyse de groupes de performance diffère de l'exploitation type-spécialisée en bovins laitiers par son mode de production et les seuils de sélection mais aussi par le fait qu'une simple moyenne arithmétique des valeurs individuelles est réalisée sans pondérer en fonction de leur représentativité. Les exploitations ainsi sélectionnées ont une superficie moyenne de 70,8 ha pour 100 vaches laitières avec un rendement laitier de 7 240 l/vache. Elles sont donc en moyenne un peu plus grande que l'exploitation-type spécialisée en bovins laitiers et avec une production par vache un peu supérieure.
La différence de marge brute des bovins et des cultures fourragères exprimée par 100 l de lait entre les groupes de performances montre un moins bon résultat pour le groupe des moins performants. Ces derniers ont une marge brute des bovins et cultures fourragères de l’ordre de 26,5 €/100 l de lait alors qu’elle est de l’ordre de 34,2 €/100 l de lait pour les meilleurs. La différence de produits des bovins et cultures fourragères entre les groupes de performance explique en grande partie cet écart. Cela contraste avec l'année précédente, où l'écart de marge résultait principalement d'une différence de charges opérationnelles.
Si l’on compare les valeurs exprimées par vache, en 2023, les exploitations laitières spécialisées les plus performantes ont un niveau de charges opérationnelles par vache un plus élevé que celui des moins performants. Toutefois, cet écart est largement compensé par un produit supérieur lié notamment à un rendement laitier nettement plus élevé soutenu par un prix très haut. Cette marge brute atteint 2 758 €/vache pour les plus performants alors qu’elle se limite à 1 700 €/vache pour les moins performants, soit un écart de près de 1 000 €/vache entre les groupes extrêmes.
Ramenée par ha de superficie fourragère, la marge brute des bovins et cultures fourragères dépasse 3 624 €/ha pour les plus performants alors qu’elle n’est qu’à 2 003 €/ha pour les moins performants.
L’évolution de l’excédent brut d’exploitation [EBE] est très similaire à celle de la marge brute
L’excédent brut d’exploitation est le résultat de la soustraction des charges réelles de l’exploitation (hors amortissements et intérêts) au total des produits des activités (produits exceptionnels non compris) et des aides récurrentes. Il doit permettre de rémunérer la main d’œuvre familiale et de financer les investissements. L’excédent brut de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, exprimés par 100 litres, atteint en 2023 une valeur de 25,6 €.
A la différence de la marge brute, l’excédent brut d’exploitation prend en considération les aides ainsi que les charges fixes réelles. Etant donné que les éléments cités évoluent lentement dans le temps, on observe un parallélisme dans l’évolution de ces deux indicateurs de rentabilité.
La moyenne des dix années précédentes de l’excédent brut de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers atteint une valeur de 22,2 €/100 l de lait. Cet excédent brut n’a jamais dépassé 23,5 €/100 l de lait de 2010 à 2021 avant de dépasser 36 €/100 l de lait en 2022 alors qu’à l’opposé l’année 2016 est la plus mauvaise avec un excédent qui plonge à 13,8 €/100 l de lait.
Lorsque l’on exprime cet excédent brut par vache ou par ha de SAU, on obtient respectivement les valeurs de 1 752 € et 1 792 €.
En 2023, les revenus de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers baissent de 11 €/100 l de lait mais restent supérieurs aux moyennes des dix années précédentes
Le revenu agricole, ou revenu du travail et capital familial, est la différence entre d’une part, la valorisation de l’ensemble des productions de l’exploitation et des autres produits (hormis les produits de nature exceptionnelle : ventes d’avoirs, …) et, d’autre part, l’ensemble des charges réelles (sauf les charges exceptionnelles). Ce montant sert à rémunérer le travail des non-salariés, c’est-à-dire les exploitants eux-mêmes, et le capital investi dans l’exploitation.
Quant au revenu du travail, il est le résultat économique de l’exploitation, après avoir couvert l’ensemble des charges réelles (hors main d’œuvre) et les charges calculées sur les capitaux en propriété engagés par l’exploitant dans l’entreprise (fermages nets sur terres en propriété et intérêts sur capital d’exploitation propre). Dans ce revenu, on suppose que le mode de rémunération des facteurs de production (terre, capital et travail) soit le même dans toutes les exploitations. Aucune distinction n'est faite entre les fonds propres et le capital emprunté, ni entre le fait d’être ou non propriétaire et ni entre le travail non salarié et le travail salarié. Le revenu agricole est plus pertinent lorsque l’on parle de la gestion individuelle de l’exploitation tandis que le revenu du travail permet de placer les exploitations dans un référentiel commun de comparaison. Le revenu du travail facilite la comparaison entre exploitations (locataires ou propriétaires) et au fil du temps (pas d’impact des intérêts fluctuants).
En 2023, le revenu agricole monte à une valeur de 17,7 €/100 l de lait, tandis que le revenu du travail s’établit à 14,8 €/100 l de lait. Tant pour le revenu agricole que pour le revenu du travail, l’année 2023 enregistre une chute de 11 €/100 l de lait par rapport à 2022, mais ces revenus sont environ 3 €/100 l de lait supérieurs aux valeurs moyennes des dix années précédentes.
Exprimés par vache laitière, le revenu agricole et le revenu du travail sont respectivement de 1 212 € et 1 012 €. Ramenés par ha de SAU, ces revenus sont de 1 240 € et de 1 036 €.
- Après le pic de 2022, les revenus de l’exploitation spécialisée en bovins laitiers redescendent à des valeurs un peu supérieures à celles de 2021
Si l’on se penche sur la gestion individuelle de l’exploitation, plus particulièrement sur la main-d’œuvre familiale, le revenu agricole est alors un indicateur pertinent. Sa valeur doit, en principe permettre de rémunérer une unité de main-d’œuvre familiale [UTF] et le capital qu’elle apporte dans l’exploitation.
Il atteint en 2023, pour l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, une valeur de 56 522 €/UTF. C’est bien supérieur à la moyenne des dix dernières années qui est de 37 857 €/UTF et c’est aussi environ 11 000 €/UTF de plus que le revenu obtenu en moyenne par l’exploitation wallonne.
D’autre part, il est également intéressant de déterminer le revenu du travail par unité de travail total [UT]. Cette valeur indique la capacité de l’exploitation à rémunérer la main-d’œuvre salariée et non salariée et intègre l’évolution de la performance du travail de la main-d’œuvre. Ce revenu correspond à une rémunération brute, les charges sociales doivent encore y être prélevées. Il permet de comparer et de suivre l’évolution de la capacité des exploitations à rémunérer la main-d’œuvre en les plaçant dans des situations comparables (propriétaire ou non et taux d’intérêts fixe).
En 2023, ce revenu du travail atteint, en moyenne, 43 179 €/UT pour l’exploitation spécialisée en bovins laitiers, mieux que la moyenne des dix années précédentes de 29 197 €/UT. On est cependant en net retrait par rapport à 2022 où le revenu du travail par UT avait frôlé les 70 000 €
- Plus de 100 000 € séparent le revenu du travail par unité de travail total des groupes de performance extrêmes des exploitations spécialisées en bovins laitiers
Si l’on compare le revenu du travail et capital familial par 100 litres de lait, des différents groupes de performance, celui des plus performants atteint 21,8 €/100 l de lait alors qu’il est à peine de 4,7 €/100 l de lait pour les moins performants, soit deux fois moins. Les revenus du travail total sont de 21 €/100 l de lait et 0,6 €/100 l de lait respectivement pour les plus et les moins performants.
En ramenant, ces revenus par vache, la différence est amplifiée car le rendement laitier des plus performants est supérieur. Ainsi le revenu du travail et capital familial des plus performants est de 1 756 €/vache laitière contre à peine 300 €/vache laitière pour les moins performants. Les valeurs de revenu du travail total sont respectivement de 1 690 et 42 €/vache laitière pour ces deux groupes de performance extrêmes.
Les écarts observés entre les groupes de performance extrêmes sont à nouveau amplifiés lorsque l’on compare les revenus par unité de travail. En effet, à l’écart de marge s’ajoute la plus grande productivité du travail pour les exploitations les plus performantes. Ainsi le revenu agricole du groupe le plus performant atteint 153 240 € par UTF alors qu’il est d’à peine 12 880 €/UTF pour les moins performants. Si l’on considère le revenu du travail par unité de travail total, les valeurs sont respectivement de 110 005 €/UT et de 1 667 €/UT.
Pour ces exploitations très spécialisées n’ayant qu’une production unique, il est possible d’approcher la valeur du coût de production. Ce dernier est égal à la somme des charges nécessaires à la production laitière. Pour les plus performants, ce coût de production est de 48,5 €/100 l de lait alors qu’il monte à près de 74,9 €/100 l de lait pour les moins performants. Si l’on prend en considération qu’il y a d’autres sources de produits que la valorisation de lait sur l’exploitation dont notamment la valorisation du cheptel ou les aides, on peut déterminer un prix de revient qui égale ce coût de production dont on déduit les autres produits que le lait. Ce prix de revient est alors de 39,3 €/100 l de lait pour les plus performants et de 62,4 €/100 l de lait pour les moins performants. Cela signifie que si le prix du lait est de 39,3 €/100 l de lait, les plus performants sont en mesure de payer leurs charges, y compris la rémunération de leur travail, alors que les moins performants doivent obtenir un prix du lait de 62,4 €/100 l de lait. En déduisant la charge de main-d’œuvre familiale, ce prix de revient, hors rémunération de la main-d’œuvre familiale, descend à 29 €/100 l de lait pour les plus performants et est de 42,7 €/100 l pour les moins performants.
- En 2023, une exploitation spécialisée en bovins laitiers sur dix a un revenu du travail négatif
Derrière ces valeurs moyennes se cache une grande disparité entre exploitations. Presque une exploitation sur dix a un revenu du travail par unité de travail total supérieur à 100 000 €/UT, et à l’inverse la même proportion obtient un revenu négatif. Pour ces dernières, cela traduit que l’exploitation n’est pas en mesure de fournir une rémunération au travail et au capital investi du même niveau que celui retenu pour ces charges calculées (travail familial et intérêt sur le capital investi). La variabilité est liée à une série d’éléments dont certains sont parfois indépendants de la bonne ou mauvaise gestion de l’exploitant (localisation, santé, âge, …).